Rommor Ep15

Toutes les histoires ont une fin, celle de Sasha Thorn et Rommor Cabb a trouvée la sienne un matin blème sur un bout de roche perdu dans le vide et appelé Erewhon.

C’est un marais à l’aube, la brume est épaisse à couper au couteau, elle noie les visions d’horreur qui semblent disparaître dans ses napes comme autant de mirages ; les corsaires rouges de Kathol méritent vraiment leur nom à présent qu’ils ont connu la vengeance de celui que l’on appelle Red… Saisis par le souffle brûlant d’un lance-flammes alors qu’ils dormaient pour la plupart, les sentinelles elles furent tuées au couteau.

Et Sasha bien sûr, mais ce n’était plus vraiment elle ; pauvre corps meurtri au visage tuméfié, recroquevillée dans cette cellule boueuse comme pour se protéger du froid et de l’horreur…Mais rien n’y avait fait, cette femme superbe qui avait commandé un puissant destroyer de sa majesté n’était plus là, son esprit avait fui ce monde de souffrance.

A la guerre, tout soldat est capable des pires horreurs, le viol est l’un d’elle…
Une violence en entraînant immanquablement une autre, le massacre aveugle et sauvage qui s’en suivit fit gagner à Erewhon le surnom du « creuset de la douleur » auprès de tous les prisonniers impériaux qui survécurent à ce camp, ce camp mené en sous-main par le moff Kentor Sarne pour y faire disparaître les loyalistes.

«Major, major réveillez-vous ! Il se passe quelque chose !»

Torjul secouait la cage où le major s’était évanoui ; ce dernier entrouvirit douloureusement les yeux pour voir un homme en flammes hurler à la mort et tenter de se jeter dans la mare où les cages des prisonniers récalcitrants étaient immergées. Un tir miséricordieux de pulseur à fléchettes le faucha dans sa course.

«Vos gueules les spatiaux.»

La voix étrangère fit sursauter le quartier maître Torjul, un homme de forte stature dont la peau avait la teinte des fueillages et de la terre s’avançait arme au poing, glissant comme un serpent.

«Je vais ouvrir vos cages, tous ceux qui peuvent marcher se replient derrière moi, à deux kliks il y a une clairière, attendez là-bas… Les autres ont reviendra vous évacuer de la zone des combats si on peut.»

Braquant son pulseur dans la direction supposée des combats d’où provenait le bruit des armes et des hurlements, l’inconnu couvrit la retraite désordonnée de ces hommes qui n’étaient plus que les ombres d’eux-même.

Respirant comme un fou à travers le filtre de son casque, Red tournait égaré, les senseurs intégrés à sa visière cherchant des signes de vie afin d’y mettre un terme et ce si possible de façon cruelle et douloureuse.

«Foudre !»

Red braqua la gueule affamée du lance-flammes dans la direction d’où provenait la voix et l’information mit du temps à parvenir à son cerveau, si bien que Green dut répéter plus nerveux.

«Foudre bordel !»

Au bout d’un moment Red saisit et cria en réponse.

«Tonerre.»

Green s’approcha alors, courbé en deux et aux aguets.

«J’ai choppé trois types qui essayaient de se débiner vers le Nord, j’ai vu personne de vivant depuis plus de trente mike… On devrait filer maintenant, la fenêtre d’évacuation se rétrecit et les gars attendent.»

Red sembla réfléchir un moment puis il enleva le lance-flammes qu’il portait en bandoulière et le tendit à Green.

«Prends-ça et file-moi ta vibro-machette, va à la LZ et assure-toi qu’ils évacuent nos gars… Je serai juste derrière toi, un petit truc à finir avant.»

Green ne discuta pas, il n’y avait rien à faire, Red était en plein délire, unes de ces putains de crises comme il en avait fait autrefois à la fin du programme.

«Prends-ça mec, t’en aura besoin.»

Le commando prit un injecteur de sa poche intérieure, ce n’était pas le cocktail habituel de Red mais ça devrait au moins aider à le calmer… Son coéquipier saisit l’hypodermique un peu excédé et se fit l’injection devant lui pour le rassurer.

«Là, maintenant fout le camp ou je te botte le cul !»

Les deux hommes se toisèrent une dernière fois puis partirent chacun de leur côté.

Les hommes que Sarne envoya sur place pour vérifier la raison du silence du camp d’Erewhon rapportèrent qu’ils n’avaient trouvé qu’un amas de têtes tranchées au milieu du camp…Dont quatre empalées, et sur leur front on pouvait lire dans leur chair : TU ES LE PROCHAIN.

Dans la clairière, Green sortit le transmetteur orbital qu’il avait camouflé dans un arbre, il le brancha et entra les paramètres fournis par leur commanditaire de l’Ubiqtorat, puis il se tourna vers le misérable groupe de survivants…Sur quatre vaisseaux dont un destroyer il ne restait plus que cette poignée d’hommes, les femmes elles…

«Qui est le plus haut gradé parmi vous ?»

Un jeune homme s’avança, un peu timide et désigna un blessé étendu sur le sol avec son seul bras valide.

«C’est lui.»

Le major Kern poussa un grognement d’assentiment et leur sauveur se porta à sa hauteur, le redressant et lui mettant le micro du transmetteur sous la bouche.

«C’est réglé sur une fréquence de la flotte, dites leur que vous vous êtes évadés et qu’ils se pointent fissa, la balise est activée.»

Il n’y avait pas de place pour l’hésitation, Kern saisit sa chance et obtempéra, ne se demandant pas pourquoi les hommes qui les avaient secourus tenaient à passer inaperçus.

«C’est le capitaine !»

Quelqu’un s’était écrié et les prisonniers se tournèrent en silence vers l’homme en armure qui portait la dépouille brisée de leur commandant. Avec mille précautions il la déposa au sol et resta un moment à la contempler, voulant le faire de ses propres yeux il retira son casque dans un sifflement alors qu’il brisait le confinement de sa combinaison. Il resta silencieux et tira un anneau d’argent de sa poche, puis le glissa au doigt de la défunte.

«Assurez-vous que l’on retourne son corps à sa famille.»

Kern dévisagea farouchement l’inconnu.

«Vous avez ma parole d’officier de sa majesté monsieur…Et notre gratitude à tous.»

Marqué de surprise en reconnaissant le major des fusilliers, l’inconnu secoua tristement la tête.

«L’Honneur n’a plus sa place dans cette guerre Major, et ne nous remerciez pas car le pire reste toujours à venir… Sur quel bâtiment serviez-vous ?»

Le Major soupira, provoquant une quinte de toux douloureuse probabalement à cause de côtes cassées.

«Le Chevalier Stellaire, le capitaine Thorn m’avait recommandée car j’ai servi avec son fiancé… Vous aussi vous l’avez connu n’est-ce pas ?»

Red acquiesca, la bague fiancailles l’avait trahi, et dire qu’il l’avait jetée à la mer sur Tralus.

«Et vous Torjul, le Chevalier aussi ?»

Le jeune homme était toujours aussi peu alerte, il ne reconnut pas la voix de son ancien supérieur et ne se demanda pas comment il connaissait son nom.

«Non monsieur, le Vigilant… Une escadre de ligne des rebelles nous a embusqués près des chantiers de Bilbringi, leur flotte est beaucoup plus importante qu’on ne le pensait, ils ont des croiseurs et… Et puis ces salauds de pirates nous ont ramassés.»

Sa voix mourut, sa confiance en la toute puissance de la flotte impériale comme en lui-même était ébranlée… Red était calmé, le décontractant avait fait effet, en fait il devait même se surveiller pour ne pas sombrer immédiatement dans une phase dépression, bon dieu Green avait toujours de la came de première sur lui.

«Il faut que des gens meurent pour que d’autres puissent vivre, essayez autant que possible de toujours appartenir à la seconde catégorie, voulez-vous ? Adieu messieurs et n’oubliez pas, vous ne nous avez jamais vus.»

Red se leva et fit un signe de tête à Green, les deux commandos évacuèrent la clairière avant l’arrivée des secours. Torjul restait perplexe…

«Je me demande bien qui étaient ces hommes.»

Le Major Kern s’allongea de nouveau et murmura.

«Croyez-moi vous ne voulez pas le savoir.»

Un bordel à Tanquila Beach, la mission avait durée quatre jours… Etrangement Green et Red avaient prolongé de quelques heures leur association forcée, seulement vêtus d’une serviette nouée autour de la taille ils profitaient d’un bain de vapeur en silence. Green passa la main sur son crane rasé et s’adossa au mur du hammam.

«Tu aurai du me le dire mec.»

Red lui lança un regard en coin.

«Te dire quoi ? La flotte a des tas de destroyers, elle aurait très bien pu être ailleurs.»

Le grand homme noir fronça les sourcils, sa voix de baryton était las.

«Tu vires grâve Red, je t’aimais déjà pas avant mais là tu deviens encore plus barjo qu’à l’époque du programme, tu as besoin de mettre tout ça derrière toi une bonne fois pour toutes… On est pas comme ces types, nous on fait ça pour le fric ! Toi et moi on sait comment ils remercient les patriotes pas vrai ? Tu as vu où ça nous a menés la première fois, en taule. On a payé notre ardoise par deux fois déjà, pour moi c’est plus qu’assez.»

Il avait raison, Green avec son cynisme et ses désillusions avait parfaitement raison ; pourquoi ne parvenait-il pas lui à accepter ça, enterrer ses cadavres et se faire une nouvelle vie ? Pourquoi Rommor Cabb ne pouvait-il pas enfin mourir ?

«J’étais comme ça avant Tarensk tu sais, dans ma famille on est tous comme ça, c’est peut-être une maladie génétique…En tout cas le programme n’a fait que mettre à jour un truc que j’avais en moi depuis le début Green ; je dois l’accepter, je suis un sale type et quelque part je dois aimer faire ces saloperies pour lesquelles on nous paie.»

Green éclata de rire, filant une grande claque retentissante sur l’épaule de mince homme blanc assis à côté de lui.

«Dis pas de conneries, tout le monde à ta place aurait pêté un plomb ; bon je dis pas que tout le monde mutile des cadavres à la vibro-machette mais c’est ce qui différencie les artistes du commun des mortels Red, tu es un putain de poète mec !»

La remarque arracha un demi-sourire à Red, il la retourna un moment dans sa tête puis se leva.

«Mon vol est dans une heure, je vais me jeter un verre à la cantina.»

Green se leva aussitôt.

«Je t’accompagne.»

Et ils burent à la santé des héros, au compte en banque de l’Empereur et à toutes les couleurs de l’arc-en-ciel ; l’heure du vol de Red arriva et les deux hommes se firent leurs adieux sur le quai d’embarquement.

«Où vas-tu aller ?»

Red réfléchit un instant.

«Mieux vaut que tu ne le saches pas.»

La remarque fit sourire Green qui avec son naturel décontracté conforta Red dans son avis.

«Tu as raison, car la prochaine fois que nous nous verrons il est fort probable qu’un seul d’entre nous reparte en vie.»

Avec un étrange sentiment de perte Red hésita à passer le sas, Green cessa de sourire et lui tendit la main.

«Surveille tes arrières surtout, je t’en voudrais si tu laissais un amateur te faire la peau avant moi.»

Red saisit la main de l’étrange homme devant lui et acquiesca.

«Compte sur moi.»

Cette histoire était finie, Rommor avait retrouvé le calme de Tatooine et la femme qui l’y maintenait en vie depuis plus d’un mois…Evidemment il n’avait pas entièrement fait son deuil mais l’espoir de jours meilleurs se faisait plus certain à mesure qu’il envisageait son futur avec Moira.
De retour d’un gros run sur Corellia, Rommor passa par les locaux de sa société écran au port franc de Red Mountain sur Lok, la ville avait changé en son absence, beaucoup de «commerçants» douteux comme lui y avaient élu domicile, les affaires reprenaient malgré les blocus impériaux. Après avoir inventorié la centaine de tonnes d’épices qu’il avait acquise, Rom se prépara à regagner Tatooine, il sortit et verouilla la porte… Son oeil fut alors attiré par l’enseigne rose voyante de son nouveau voisin :

MARXAL J. GREENE
WORMHOLE STUDIOS
RED MOUNTAIN

Il resta hébété, incertain même, contemplant la pancarte…La porte siffla et un grand noir vêtu de fourure blanche sortit, il baissa ses protections visuelles de grande marque et lança un regard amusé à son voisin.

«La galaxie est petite, hein ?»

Et ils dégainèrent.

Créé le samedi 2 juin 2007 à 23h37 par Guinch & mis à jour le mardi 18 mars 2008 à 19h40