Rommor Ep17

La chaleur moite de la jungle était etouffante, ses vêtements khakis étaient devenus un amas de crasse aglomérée et imbibée de sueur ; il s’arrêta un instant de pelleter pour boire un peu d’eau, qu’il recracha à la première gorgée car elle était chaude.
Assis au bord de ce trou béant, il regarda les deux sacs posés côte à côte en face de lui, un cadavre et de la chaux.
Invisibles à l’orée de la forêt il savait que des dizaines de paire d’yeux surveillaient pourtant ses moindres faits et gestes ; il sauta de nouveau dans le trou et se remit à creuser : les charognards n’auraient pas Marxal J. Greene.

Il avait débarqué sur cette planète perdue au fond de la galaxie à l’aide de son propre vaisseau, aucune navette régulière ne passait jamais par-là ; le courrier adressé à l’officiel du BOSS en poste était assez rare pour n’être apporté qu’une fois tous les trois ou quatre mois par un explorateur venu pour se ravitailler.
L’Astroport, si on osait l’appeler ainsi baignait dans une chaleur insoutenable, le petit tarmac en plasbéton agissant comme un vrai convecteur… Détail frappant, il arrivait que la semelle des bottes des pilotes fonde au contact du tarmac à certaines heures de la journée.
Tout était sec, poussière… Le seul bâtiment moderne étant l’ancienne caserne pré-fabriquée que les troupes de l’Empire avaient bien voulu laisser sur place, le BOSS et les commerçants locaux partageaient la place. Le Gambit cliquetait en essayant veinement de refroidir, sa masse noire et rouge avait attiré une petite foule de gamins des rues aux muscles tendus sur l’os et à l’air vif ; ils courraient bruyament autour de la clôture, regardant le Dunelizard lourdement modifié comme s’il s’était agi d’un destroyer stellaire… l’Attraction de l’année.
Rommor Jethro enregistra le Gambit sous le nom du « Sort de Mandalore » et signa lui-même d’un nom qui n’intéressait personne, surtout pas l’homme du BOSS en exil dans cet enfer, ce dernier se permit tout de même un conseil.

«Ne sortez pas de l’enclave.»

L’Enclave était une sorte de zone fortifiée pour ceux qui avaient de l’argent et ici ça voulait dire plus de mille crédits impériaux, ils s'étaient réunis au centre des ruines de la capitale et essayaient de faire tenir debout cette parodie de civilisation.
Mais Alpha Red allait sortir, il n’était pas venu pour faire du tourisme, il y avait quelque part sur cette planète un homme dont l’holoportrait était glissé dans la poche de poitrine de l’assassin Ubiqtorat…Et cet homme il n’en doutait pas, l’attendait de pied ferme.

L’Etranger posa son gros sac sur le sol, et enleva sa veste, le plastron des troupes de choc était vieux et usé, l’attirail typique du chasseur de primes… il débala un ceinturon orné d’un pistolet blaster, une vibrolame et d’autres accessoires d’equarissage puis arma sa carabine, quand il eut fini plus personne n’eu dans l’idée de soutirer ses crédits à cet étranger-là.

D’un pas assuré il passa la grille de la zone d’aterrissage, centre administratif ou quel que soit le nom qu’on donnait à cet endroit ; puis il traversa les rues, son arme en main, le doigt sur le ponté… Dehors la chaussée ondulait, défoncée par endroits lorsque les routes n’étaient simplement pas faites de terre ; parmi les ruines méconnaissables, des pauvres hères, fantômes de ce qui avait été jadis des humains et des aqualish erraient parmi les décombres, chassant le womp-rat. Ils restaient à bonne distance de l’homme menaçant et baissaient les yeux avant de disparaître de son chemin.

Les ruines s’espaçaient puis laissèrent place au sol craquelé par l’aridité…Loin au pied des montagnes on distinguait la masse sombre de la jungle et les préiceux mais menaçants nuages qui la surplombaient. La guerre pour l’eau avait réduit cette planète à la coquille brisée qu’elle était aujourd’hui.

Omada, c’était son nom… Omada avait été colonisée sous l’ancienne république, il y a fort longtemps ; cette planète était prometteuse, petite mais idéale pour accueillir la vie selon les critères oxygène/eau définis pour les humains et une majorité de la population républicaine. Un paradis tempéré, avec de l’eau douce en quantité. Durant huit cent ans les colons prospérèrent, mais rapidement le climat changea, la sécheresse et la désertificaiton frappèrent.

La raison était simple, les Aqualish dont l’armée conquérante se taillait une belle part dans la galaxie avaient établi un camp de base sur Omada et leurs extracteurs d’humidité, ressource vitale pour ses soldats, tournaient à plein régime. C’était la guerre dehors et Omada n’était qu’un petit bout de roche sans importance, l’eau apportée aux premières lignes elle était vitale.
Les Aqualish furent défaits, la République n’avait pas de grande armée mais les habitants du secteur Corellien avaient la maîtrise de l’espace ; la guerre prit fin, les soldats rentrèrent chez eux mais le mal était fait. Omada était sinistrée sur le plan écologique, les dernières poches d’humidité étant tenues par des Aqualish ayant refusé de rentrer dans le déshonneur chez eux. Les humains quittèrent peu à peu Omada, ceux qui décidèrent de rester durent presque retourner à l’état sauvage pour pouvoir survivre.

La tension était là, et l’Empire l’exploita : le génocide massif des Aqualish fut sans précédent, les tribus humaines armées et entraînées par les impériaux se ruèrent sur les poches d’humidité. Le sang coula abondament et quand ce fut fini, l’Empire ne vint jamais avec les ressources promises ; il prit les hommes pouvant porter les armes et les envoya se battre ailleurs. Le peu qui restait d’Omada fut déchiré entre quelques vieux seigneurs de guerre, cette planète agonisait lentement… Et le soleil lui, insensible, continuait de la brûler jour après jour.

Mais aujourd’hui la Rebellion avait trouvé un terreau fertile sur cette planète torturée, de cet enfer avait émergé un homme : le général-roi Jinto, un guerrier tribal revenu sur Omada pour unifier son peuple. L’Ubiqtorat malgré le peu d’importance de la planète avait expressement dépêché Alpha Red pour terminer le général-roi, et lorsque Rommor Jethro vit le visage de sa cible, il se demanda si son superviseur était un sadique ou un homme d’honneur ? Sûrement les deux vu la complexité du personnage, reste à savoir sur qui il avait bien pu parier cette fois-ci.

Jinto se terrait dans les jungles avec ses guerilleros, le trouver et le débusquer sans une opération militaire d’envergure serai difficile, mais dans ses différentes vies, l’homme au bout du fusil n’avait que rarement pris des chemins évidents. Son plan, tortueux et risqué était parfaitement à l’image de sa cible et de ce qu’il en savait ; il fallait que Jinto ammène son exécuteur à lui, c’était la seule solution.

Une gourde, une gourde c’est très peu pour parcourir le chemin jusqu’à la jungle… Et trouver un speeder en état de marche ici, c’est impossible. Red marcha jusqu’au permier village, là il fit le point avec sa bâlise de repérage satellitaire. Personne, les gens restaient murés dans le peu de fraicheur que pouvaient leur procurer leur case à demi-enterrée ; les habitants de Tatooïne faisaient de même. Tatooïne…Oui si les rapports étaient exacts les troupes imépriales avaient importé un cheptel de Dewback avec eux, il devait bien en rester, ces lézards se reproduisaient vite… Un peu comme les womp-rat ces bestioles avaient du elles aussi participer au désastre écologique d’Omada.

Une maison de torchis avait effectivement un enclos, Red regarda alentours mais ne trouva pas de quoi seller la bête qui dormait paisiblement au soleil… Soupirant il alla frapper à la porte, evidemment on avait pas très envie d’ouvrir à un étranger de l’autre côté ; bien qu’il put sentir la présence de quelqu’un, l’huis resta clos et le silence s’installa.

«Ouvrez cette porte ou je la défonce et je vous tue après.»

Un Aqualish ouvrit doucement la porte, il devait être sacrément déshydraté, ses yeux, d’habitude de beaux globes noirs sans fond, étaient laiteux…Quant à ses glandes elles pendaient, frippées. Red sortit un créditube et l’agita ostensiblement.

«La bête et une selle, avec ça tu auras de quoi acheter toute la flotte que tu veux en ville vieux père… Si tu refuses, je te flingue et je prends tout quand même ? Marché conclu ? »

L’Aqualish émit un souffle qui devait être l’équivalent chez lui du soupir de résignation, Red lui glissa de force le créditube dans la main et attendit un petit moment avant que l’autochtone ne lui apporte la selle des rennes et un mors. Rapidement Red fut reparti en direction de la jungle.

Durant quelques pauses en pour vérifier sa bâlise, Red observa les alentours déserts ; si avec tout ça les guerilleros ne lui tendaient pas une embuscade en route c’est que les conseillers militaires impériaux avaient fait un boulot de sénateur.
Mais le travail des instructeurs avait été honête, de même Jinto en repassant derrière avait bien du leur expliquer que porter un gros fusil en mâchant de la pâte d’épices ça ne suffisait pas pour gagner une guerre. Aussi à une vingtaine de kilomètres de l’orée de la jungle, l’embuscade escomptée eu lieu ; les couverts se faisaient plus présents avec le début de végétation, un bon choix quoi qu’un peu évident. La méthodologie elle était correcte, disposés en feu croisé de chaque côté du sentier avec deux hommes sur l’arrière pour couper la retraite…Le seul bémol fut que ces gens manquant de tout ne voulaient pas abattre le Dewback, Red du tuer le premier aggresseur pour qu’ils se décident enfin à ouvrir le feu ; et il se laissa coincer par la carcasse de sa monture. Le soldat qui vînt le « neutraliser » était un gamin de quinze ans tout au plus, une grande jigue avec la peau sur les os et dont des sandales, un pagne et une cartouchière étiaent les seuls ornements. Il braqua la gueule de son vieux fusil sur le visage de l’homme à la peau pâle et la main tremblante se demanda pourquoi il ne devait pas le tuer.

«Le général-roi le veut vivant!»

Evidemment, voilà pourquoi. Les guerilleros désarmèrent Red avec empressement et passèrent bien quinze minutes en palabres bruyantes après l’avoir attaché pour savoir qui prendrait quoi du butin qu’était l’équipement du mercenaire. En définitive on ne laissa à Red que son pantalon, pendant leur périple dans la jungle, le prisonnier observa avec attention la façon de se déplacer de son escorte, il écouta les cris d’oiseaux qu’ils poussaient par moments, regarda lorsqu’ils efleuraient des mains une encoche sur un arbre. Le camp de base où ils firent leur première halte était sommaire même pour les critères locaux, l’endroit le plus important était la citerne enterrée dans le sol et toutes les fortifications se déployaient en cercle autour du point d’eau ; certaines pratiques à la guerre ne changeaient pas.
La nuit fut courte, avant même les premières lueurs de l’aube la compagnie reprit son chemin dans la forêt dense et étonament humide…Sur les cinq jours que dura la traversée, la pluie tomba avec régularité à la tombée du soir ; on nourrit le prisonnier sans lui délier les mains, ses geôliers aux longs doigts noueux allant jusqu’à forcer la bouillie d’écorce d’arbres et de lombrics dans sa bouche. Les moustiques, oui les moustiques eux s’en sortaient plutôt bien dans l’affaire, Red regretta la combinaison pressurisée et climatisée qu’il aurait enfilée en d’autres circonstances, sa peau n’avait pas la consistance du cuir qu’avait celle tannée au soleil des indigènes. Au matin du sixième jour vers onze heures, heure locale, le petit groupe arriva dans ce qui semblait être un dépôt. Des femmes et des vieillards qui préparaient à manger, tissaient des vêtements ou conditionnaient des munitions, l’endroit était bien organisé, invisible depuis le ciel et gardé par quelques positions défensives intelligemment disposées ; les entrepôts eux étaient probabalement souterrains.

«Toi t’assieds là!»

Red se laissa tomber au sol et récupéra, il était épuisé juste ce qu’il faut, et pensait même que durant ces six jours on l’avait fait tourner en rond, le balladant d’un camp à un autre pour le désorienter et plonger dans la confusion tout renfort qu’il aurait pu avoir.
Le plus vieux des geôliers qui était couvert de tatouages impressionants, il avait du souffrir son compte, alla parlementer avec une vieille Aqualish, il était étrange comme les ennemis d’hier avaient su s’accorder conte un ennemi commun ; il rejoint ensuite le petit groupe et fit signe au plus jeune de relever le prisonnier.

«Le général-roi l’attend au temple, il a prévu ta venue, c’est un prophète tu sais.»

La formulation était révélatrice, comme les coutumes ; voilà un peuple qui savait user des technologies de guerre modernes mais qui dans son cœur respectait les valeurs fondamentales d’une société primitive… On avait beau y faire tout ce que l’on voulait, les beaux discours ne pouvaient effacer les blessures de l’histoire et ces gens avaient appris à vivre avec.  Red s’en fichait pas mal mais Rommor Cabb lui respectait ce mode de pensée, il croyait lui aussi en la nécessité impérieuse de puiser se force dans ses racines, trouver conseil auprès de ses ancêtres.
Le jeune homme impressionné mena comme il put le prisonnier qui visiblement l’effrayait un peu, surtout à cause de sa différence et du fait que le « général-roi » voulait le voir…Et au temple qui plus est ! Rommor avait observé ce gamin comme il avait surveillé Torjul et d’autres mômes placés sous ses ordres autrefois, car tout jeune qu’il fût Rommor avait été le témoin de beaucoup d’évènements sanglants.

«Je l’ai rencontré hors-monde.»

Le jeune homme fit signe à son prisonnier de faire une pause et de s’asseoir sur une souche, il mit son lourd fusil archaïque en bandoulière et alluma un bâton de cendres, après avoir tiré quelques bouffées il fit signe de façon timide vers le prisonnier et bien qu’il ne fumât pas d’ordinaire Rommor se pencha en avant pour poser ses lèvres sur le mégôt, rite que tous les soldats de la galaxie avaient pratiqué pour fraterniser sans mots difficiles.

«Vous avez fait la guerre sur les chariots des dieux ?»

Rommor évita de sourire, c’eût été insultant ; il acquiesca.

«Et vous avez vu le dehors ? Les étendues d’eau énormes qu’on appelle…océans?»

Il acquiesca encore mais devina qu’il devait en dire plus pour assouvir la curiosité de son nouveau compagnon.

«De là où je viens, les océans ont une couleur vert sombre et sont parcourus de moutons blancs à la saison des tempêtes… Parfois il fait si froid que la pluie se solidifie et devient une poudre blanche et glacée.»

Le mot glacé bloqua la respiration du jeune homme et Rommor se sentit triste pour les gens d’Omada.

«Ca veut dire quelque chose de très très froid.»

L’enfant soldat fit signe qu’il comprenait et donna une autre bouffée de cendres à son prisonnier.

«Pourquoi veux-tu tuer notre général-roi ?»

La question était dure mais il faudrait pourtant bien tenter d’y répondre un jour.

«Par ce que la tribu de l’Empereur est immense, elle compte autant de guerriers que d’étoiles dans le ciel et si ton général-roi doit être tué par l’un d’eux…Ce sera moi.»

Le jeune homme ne comprenait pas, mais qui comprendrait à part l’intéressé ? Rommor n’était pas bien sûr de tout y comprendre lui-même.

«Tu veux montrer à ton Empereur que tu es fort étranger ?»

Red soupira.

«Je n’ai rien à prouver à mon Empereur, il saît tout… Si un guerrier de ta tribu était blessé, que ferais-tu ?»

Le jeune homme répondit en souriant, c’était une question facile.

«Je l’amènerai à notre guérisseur, et puis le général-roi n’est pas blessé étranger, il est invicible !»

Red secoua la tête de façon négative.

«Mais s’il était tellement blessé et souffrant que le guérisseur ne puisse rien, préfèrerai-tu que ce soit un étranger ou bien toi qui abrège ses souffrances ?»

Le visage du jeune homme se ferma, il commençait à comprendre et n’était pas bien sûr d’apprécier ce qu’il entendait à propos du dehors et des grandes tribus.

«Lève-toi, on doit reprendre la route!»

Ils marchèrent encore une petite heure et arrivèrent au pied d’une structure en forme d’œuf entourée de marais, un ancien processeur atmosphérique Aqualish, à n’en pas douter ; aujourd’hui la coque blindée était couverte de lière et d’excrements d’oiseaux ; un Aqualish de forte stature attendait près d’un chemin de passerelles en bois menant à l’intérieur…Au vu de son acoutrement et de la façon dont il tenait sa vibro-hallebarde, il devait lui aussi avoir vu le dehors. Il gargouilla quelque chose et le jeune homme fit signe qu’il avait compris avant de s’en retourner attendre une pue plus loin, Red l’arrêta d’un seul regard.

«Quel est ton nom petit?»

Empoignant son fusil comme un matamore, le jeune homme déclara fièrement :

«Je suis Juben la gâchette de la tribu des ruines sèches, je mouche l’oiseau à cent pieds et je cours aussi vite que tu pourrai jetter un caillou. Et toi étranger de la tribu de l’Empereur, as-tu un nom?»

Encore une fois ce jeune homme posait la bonne question, sans morgue l’étranger lui répondit.

«Je suis Red de la tribu Alpha, je connais la douleur et celui qui me tourne le dos est un homme mort.»

La simplicité de la formule fit impression, Juben la gâchette fut un hochement de tête et ne tourna le dos qu’après que l’étranger eu suivi son nouveau guide dans le marais. L’Aqualish resta silencieux, un vieux briscard à n’en pas douter et méfiant, il gardait le canon de son arme levée, prête à envoyer son prisonnier rejoindre ses ancêtres au moindre soupçon. Le vieux collecteur d’eau avait en effet tout d’un bâtiment incitant à la mystique dans l’état, sombre et frais, seulement parcouru par les cris étranges des oiseaux d’Omada.

Le général-roi, le titre dans ce décor de fin du monde prenait une conotation moins pompeuse et colorée, ici on parlait bien de roi des lépreux, des deshérités… D’ailleurs son sanctuaire n’avait pas grand chose à envier aux cases crasseuses partout ailleurs sur la surface d’Omada l’oubliée.
La pièce devait être une salle de contrôle, ses pupitres inutiles étaient autant de lutrins pour des ouvrages disparates et sans trop de sens,  le philosophe y cotoyait le manuel de bricolage, bref ils étaient là pour impressioner le crédule… Seul le projecteur holographique fonctionnait encore et actuellement il diffusait un porno de mauvais goût, quoi qu’il y en ait rarement eu de bon goût, le général-roi le regardait d’un oeil absent en fumant un gros cigare et l’éteint en voyant qu’il avait un invité.

«Red ! Ca fait plaisir de te voir, tu sais je n’ai plus beaucoup de visites depuis que je me suis installé ici… Mais alors qu’est-ce que je reçois comme courrier, mes fans me réclament!»

Rommor fit un sourire en coin à Green, le crâne rasé de nouveau il arborait une veste d’officier impérial avec un placard à décorations imposant et d’autres fioritures non règlementaires mais sûrement très imposantes pour le guerrier tribal lambda.

«Général-Roi…Je ne devrai pas être surpris Green tu as toujours aimé pêter plus haut que ton cul.»

Green epousseta ses épaulettes sales et fila un coup de pied à une bête locale qui faisait un somme sur une chaise.

«Mais assieds-toi mon ami, nous avons à parler ! Tu bois un verre ? Ah, non tu as les mains liées dans le dos…Mais finalement ça vaut mieux je crois.»

Red s’assit et détailla machinalement la pièce encore une fois ainsi que la postition des différents protagonistes, son esprit analytique lui indiquait clairement que dans la configuration actuelle il valait mieux rester assis et écouter le sempiternel speech de Green.

«Bon pas de chichis, t’es pas obligé de m’appeler votre excellence, on est entre vieux potes de régiment après tout!»

Green se servit une rasade de Cohol et encore du Grada, la bouteille était neuve et provenait d’une caisse emplie de ses consoeurs.

«Les premiers jours de mon retour ici j’ai attrapé la chiasse, j’étais plus habitué à cette saleté de bouffe tu vois, c’est encore pire que quand je suis parti ! Alors bon je compense avec ce que j’ai sous la main, les Grada c’est notre cher capitaine qui me les a fait envoyer, histoire de renouer de bons contacts après le fiasco Mantooïne, il veut envoyer ses nouveaux poulains les « specforces » faire un camp scout ici. Faut dire je le comprends, primo je suis le meilleur, secundo les gens d’ici tu leur file un vieux fusil et ils vont te prendre Coruscant…En fait ce bon capitaine Madine, mais je crois qu’il est colonel chez les rebs à présent, a toujours su que pour trouver les meilleurs soldats il falait les chercher dans les endroits les plus pourris de la galaxie, toi et moi on en est la preuve vivante.»

Rommor se crispa à la mention du nom de Madine, il avait toujours une vibro-lame de côté pour émasculer ce salaud dès qu’il en aurait l’occasion… La fin de la guerre arriverai bien un jour, et Alpha Red se ferai alors plaisir d’apporter l’addition à Crix Madine.

«Trève de conneries Green, dis moi ce que tu fais ici. Tu étais le plus lucide de nous tous et te voilà dans ce trou à te battre avec des crève-la-faim pour un peu de boue et de poussière, tu veux cet enfer ? Il est à toi, l’Empereur ne s’en soucie pas je pense… Mais collusion avec les rebs ça, non.»

Green se leva souriant posa une main amicale sur l’épaule de Red puis lui allongea un spectaculaire crochet à la tempe, le jetant dans une éclaboussure sanglante sur le sol.

«Ces crève-la-faim j’en suis figure-toi, je suis né ici, j’ai perdu deux sœurs et trois frères dans cet enfer, dont deux dans les guerres de l’Empereur… Ce trou de boue et de poussière était à nous bien avant lui et sera encore à nous après lui. Red tu es mal placé pour juger, tu es un gosse de riche, d’une certaine façon tu as grandi comme une sangsue sur le dos de gens comme ces crève-la-faim que tu méprise tant. Mais je te pardonne…»

Et avec un sourire, étendant les mains en signe de paix, Green fila un vicieux coup de botte dans les côtes de l’homme au sol.

«Non en fait je n’étais pas revenu pour mener ces gens, je passais juste pour enterrer ma mère et j’ai eu…Enfin tu ne comprendrai pas. Tous les rebelles ne sont pas des Madine et des opportunistes politiques comme ta mère, certains ont…La foi.»

Le sérieux de l’expression et la sérénité de Green intriguèrent Rommor, il se redressa et s’adossa à la console.

«Ben voyons…explique-moi donc ça, je suis curieux de savoir comment tu as embrassé une telle vérité l’acteur porno de seconde zone.»

Et Green vint relever Rommor.

«Non tu ne comprendrais pas avec des mots, je dois t’emmener la voir.»

Cette fois-ci Rommor eu peur, la conviction béate de Green lui inspirait la plus grande méfiance… Et se déplacer à nouveau n’était pas pour faciliter la suite de la mission. L’Aqualish fit mine de s’emparer d’un sac et Green l’arrêta d’un geste.

«Non Wlush, on y va seuls, lui et moi… Je suis tout à fait capable de le tuer si besoin est.»

Et il n’avait pas tort, Green avait toujours été plus coriace, plus puissant physiquement et le traitement qu’avait subi Red ces derniers jours avait définitivement réglé la question de qui l’emporterait en cas d’affrontement. Mais bien sûr Red était plus retors que cela…

«Rêve pas mon pote, je suis sous stims, je dors pas.»

Et Green aussi malin qu’à l’accoutumée l’avait bien gardé à l’esprit.

«Allez, passe devant, je te détacherai plus loin sur le chemin, on va dans la montagne.»

Ils prirent la route, le voyage avait visiblement été préparé de longue date, les sacs avec la nourriture et le matériel de survie était prêt, Green avait même préparé quelques vêtements pour remplacer ceux que Red avait perdus en route. Ils cheminèrent en silence, ça ne ressemblait pas à Green, trois jours quasiment sans un mot, puis il y eut le dernier soir de campement dans la montagne. La lanterne rouge de failbe puissance éclairait le centre de la zone où ils s’étaient installés, la lumière tenait les animaux les moins aggressifs à distance et ne dégradait pas trop la vision nocturne des gens alentours. Installés face à face, Green tenant un pistolet blaster en main pour s’assurer du calme de la soirée, les deux hommes firent connaissance. C’était arrivé sans avertissement, après trois jours à penser comment il présenterait la chose, Green s’était senti prêt à parler de lui…Peut-être pour préparer Red à « sa révélation ».

«Tu l’as compris je suis un enfant soldat moi aussi, pour moi les Aqualish ont toujours été des démons, des tueurs d’enfants, des voleurs d’eau… Quand on nous a dit que le temps de la délivrance était venu, et qu’on nous a mis les fusils à éclairs entre les mains, on s’est tous sentis invincibles, des siècles de misère et de colère se sont déversés en l’espace de quelques mois. On rasait les villages, on massacrait sans discernement aucun, on exhibait les dépouilles mutilées des xeno partout, ça puait la charogne et ça brûlait en continu. Et j’étais heureux, avec mon fusil aussi grand que moi, avorton tuant comme dans un jeu, j’étais heureux. Ils en ont pris beaucoup à la fin de la guerre, pour payer la dette d’Omada envers l’Empereur, et là encore j’étais content de partir d’ici, d’aller voir la galaxie immense et riche, rencontrer des gens intéressants et les tuer. Mais un uniforme ne change pas ce que tu es au fond de toi, sous ta peau, moi j’étais un guerrier tribal, et une tribu ce n’est pas une armée… J’ai fait un écart, j’ai ouvert un officier blanc du bide jusqu’à la gorge par ce qu’il m’avait insulté, et là Tarensk.»

Red écoutait, paisible ; maté par l’effort et les privations savament dosées ; il jeta un gravillon près de la lanterne et eu un sourire amer.

«Tu connais mon histoire, je marche dans les pas de mon père…Moi aussi un écart, je n’avais pas bien compris que tous les discours sur le devoir et l’honneur des officiers étaient des foutaises qu’on fourre au kilo dans le crâne des blancs becs comme Rommor Cabb, puis bien sûr Tarensk. Mais pour moi Tarensk a été un nouveau départ, j’ai découvert que je pouvais tout faire, tout avoir, il me suffit simplement d’attendre le bon moment, tuer la bonne personne.»

Green acquiesca, il avait vécu comme cela lui aussi et peut-être plus longtemps que Rommor.

«Green, Red, ce sont des gens qu’ils ont créés à Tarensk, tu sais je crois que ces personnalités tampon c’est peut-être aussi une partie de leur « conditionnement » comme quand on a pas pu flinguer ce fils de pute sur Tanquila Beach. Mais il y a des trucs capables de t’affranchir de tout ça, bien sûr on a essayé à peu près toutes les cames possibles et imaginables mais il y a mieux mon pote, je vais te donner la clé des champs, te montrer la porte de service qui mène au club très privé des hommes et des femmes libres.»

Et une autre nuit coula jusqu’au matin, une autre nuit sans sommeil… Mais Red lui n’était pas sous stims ; c’est en ce trainant qu’il gravit les denrières centaines de mètres les séparant de leur destination. L’endroit semblait former un creux, un endroit dans la montagne où la lumière même dans ce matin radieux et pur ne pouvait aller. A l’entrée de cette petite vallée à l’air sinistre, un arbre étrange dont les feuilles formaient de véritables voiles semblait avoir été aménagé, Rommor voulut pousser plus avant pour voir mais Green le rattrapa par l’épaule.

«T’approche pas ce truc pourrait de gober, il sécrète de l’acide c’est comme une grosse plante carnivore avec de jolies couleurs.»

Et les voiles s’écartèrent, une vieille femme vêtue de peaux, les dents taillées en pointes et couverte de tatouages en spirales sortit paisiblement de cette entité vivante qui était sa demeure.

«C’est la vieille Juba, du temps où mon grand-père était gosse elle était déjà la vieille Juba… C’est une prêtresse du Tia mec, une des voix de la Force…Oui la Force.»

Red se serait enflammé contre la crédulité de primitif de Green en une autre occasion, mais la vieille Juba avait capté son regard et commença à poser ses mains parcheminées partout sur son visage. Elle babillait, un pseudo language que peut-être certains des plus vieux pouvaient entendre, mais il se noyait dans le fond des temps et Green sérieux comme un Jedi laissa s’opérer la magie.

«Elle va te préparer mec, tu vas faire un voyage pour trouver le chemin.  Sois cool, ce n’est pas une connerie de bien contre le mal façon Jedi, c’est une compréhension de la nature, pas un jugement. N’oublie pas sois…»

La fin de la phrase échappa complètement à Rommor au moment où la vieille lui soufflait avec la bouche une pourdre douteuse dans les narines, le paysage tourna follement, et il plongea dans l’obscurité.

Il connaissait bien cet endroit, il le craignait et le haïssait, cette cellule l’avait hanté depuis le jour de l’attentat, enfant il n’avait pas compris et les psychologues pensaient qu’il s’agissait d’une phobie liée à l’amputation de Père, mais plus tard les détails étaient devenus trop nets, trop précis. Mais le droïd n’était pas là, l’homme cruel non plus ; une femme magnifique, à la peau mat et à la longue chevelure cuivrée le regardait en souriant, l’air bienveillant.

«Ton chemin ne commence ni ne finit ici Rommor Irius Cabb, quitte cet endroit où te pousse l’esprit malveillant…Retrouve la vérité nue, va…»

Le feu, c’était un feu magnifique, gigantesque et nous nous tenions tous autour de lui sur cette planète aujourd’hui maudite dont le nom a été effacé des mémoires, je connaissais chacun de ces hommes, son nom, son regard et la chaleur de sa voix, je connaissais le goût de son sang, le bruit de son cœur… Ils étaient mes pères, mes frères et mes fils.

«Et en ce jour d’Heïyedahn moi Arius Dren Cabb, votre capitaine je dis ne craignez point la douleur car vous avez déjà trop souffert pour celà, ne craignez pas non plus la mort car vous êtes tous condamnés, ne rejettez pas la peine car ceux que vous aimez la méritent…Ce que vous devez craindre c’est l’oubli, ce que devez craindre c’est que l’assiégeant en ce jour ne raconte pas à sa descendance combien fut terrible l’ultime fureur de notre caste, qu’il n’enseigne pas aux générations à venir pourquoi craindre nos fantômes et que par delà la mort : en cette heure est venu le temps de l’acier et du feu, le temps du sang et de la fureur! A la guerre!»

Chaque guerrier revêtit son casque et cogna le pommeau de son épée contre sa poitrine, le hurlement terrifiant traversa les portes barricadées, les murs d’enceinte et l’ennemi frémit car il sut qu’il allait se jeter sur le dernier carré, faire face à des hommes ayant accepté leur mort inévitable, des hommes invincibles.

C’est ici que commençait le chemin, depuis la nuit des temps, avant que Farràs Hern Cabb ne chût dans l’atmosphère de Chandrila, avant que Lorn Irrin Cabb ne se bâtit au poignard dans les couloirs du palais Impérial, avant que Rommor Irius Cabb ne…vomisse le peu de bouillie qu’il avait avalé la veille au soir.

«Mec tu aurais pas du te laisser pousser les cheveux, j’ai pas pu les attraper à temps, t’en as partout on dirait un spationaute qui a trop bu! Putain tu devrai te voir t’es encore plus pâle que la première fois que je t’ai rencontré… Red tu vas bien mec ?»

Dans un grognement tordu, l’intéressé fit comprendre à Jinto « Green » qu’il…Enfin qu’il survivrait.

«Dire que c’était ton premier voyage, la suite sera pire alors fais-toi une raison moi j’ai chié liquide et j’ai eu une fièvre hallucinatoire pendant trois jours ! Avec ton gabarit on sera veinards si on a pas à te tremper dans une cuve bacta.»

Rommor s’allongea à côté de sa flaque de vomi et se recroquevilla pour dormir, aimablement Jinto versa le contenue de sa gourde sur son visage, ce qui connaissant la valeur de l’eau sur Omada n’était pas rien.

Il lui fallut jusqu’à la nuit pour recouvrir conscience, son estomac hurlait et ses gestes d’habitude si assurés n’étaient plus que des tatonnements gourds. Le pistolet à portée de main Jinto lui fit avaler de force de la bouillie, les racines et les lombrics étaient peut-être mauvais mais ils étaient nourissants.

«Tu vas repartir, cette fois-ci mec c’est le grand saut… Franchement après ça ta vie sera changée, un peu comme Tarensk, en pire. Mais il faut que tu le fasses pour comprendre, pour découvrir le chemin.»

Rommor ne put répondre, il avait la langue pâteuse et ses pensées rebondissaient mollement contre les parois de son crâne, la bave coulant à la commissure des lèvres il commença en effet à regretter l’isolation sensorielle de la forteresse de Tarensk… Mais il pouvait sentir se profiler devant lui un point dans le temps où en effet sa vie allait prendre un sens nouveau, peut être irait-il dans la lumière, peut-être resterait-il dans l’ombre mais quoi qu’il fasse il devrait choisir ce chemin.

Il glissa de nouveau sur une natte de paille locale et essaya de rassembler ses forces au mieux durant la nuit, Green ne dormirait pas lui…Peut-être était-ce par prudence vis-à-vis de Red, peut-être était-ce suite à ce qu’il avait vu là-bas.

L’Aube dans la vallée fut grisâtre, une brûme inhabituelle flottait, ce petit creux à l’abri près de la jungle devait retenir l’humidité lui aussi…La vieille Juba vint le chercher, lui et lui seul ; avec une certaine anxiété Jinto les regarda partir vers le fond de la vallée. La végétation de plus en plus présente n’avait rien d’un plaisir, sombre et suintante elle grouillait de vie, mais d’une vie…Torturée. Les troncs noueux s’enroulaient en spirales, tout était naturel mais, différent. A aucun Moment Juba ne lêcha le bras de Rommor, elle le serrait avec une vigueur insoupçonable pour un corps aussi frèle et le retenait à chaque pierre qui aurait du le faire chûter. Finalement ils s’arrêtèrent à quelques dizaines de mètres d’un trou dans la montagne, une caverne obscure dont la seule entrée était terrifiante, un vrai cauchemar d’enfant. Juba parla mais son babillage restait totalement incompréhensible, elle saisit le visage de Rommor entre ses mains ridées et le caressa encore une fois. Fouillant dans son sac en peau pour en tirer un bocal de poudre, lèchant ses doigts avant de les y tremper, elle les passa en travers du visage du jeune homme. Juba fixa les yeux de Rommor et les emprisonna, ses lèvres remuaient et assez indistinctement son language étrange s’entendait dans le fond sonore assourdissant de la nature alentours : des cris des bêtes, du bruissement de l’herbe gasse et humide, du craquement sinistre du tronc des arbres et d’un tremblement venu du sol, du ventre du monstre qu’était la caverne. Mais les mots dans l’esprit de Rommor raisonnaient avec la clarté du crystal.

«C’est ta marque, tu en as eu besoin pour te rappeller qui tu étais dans l’ombre… Si tu trouve le chemin alors tu n’auras plus besoin d’elle Rommor Irius Cabb.»

Rommor passa la main sous sa chemise et serra le pendentif porte-bonheur que lui avait offert Moira, quelque chose de terrible, plus terrible que Tarensk, l’attendait à l’intérieur de cette caverne.

«Que la force t’accompagne enfant.»

Les mains de la vieille lui donnèrent une dernière impulsion et il marcha vers la caverne, pas à pas, comme attiré par la gravité d’un trou noir, la seule sensation de chaleur en lui émanant de ce petit bout de pierre précieuse serré dans son poing.

L’Obscurité d’abord, la sensation d’un sol glissant et irrégulier s’enfonçant toujours plus profond ; puis l’étrange impression qu’il fallaitt avancer, toujours plus vite car au bout se trouvait peut-être une sortie, de la lumière… Mais pas de lumière. Non, juste cet endroit, encore lui, cette cellule sans fenêtres, accroché au mur c’est un homme qui lui ressemble mais ce n’est pas lui, il a encore sous l’oeil droit les deux doigts de peinture rouge qui l’identifient, cet homme il le reconnaît à son air de défi serein, c’est Red. Red l’a vu, il ne se préoccupe pas du droïd et de son affreux couteau de boucher.

«Tu vois Rom’, je continue à me sacrifier pour toi, j’étais là à Tarensk pour prendre à ta place, j’étais là quand tu n’avais pas le cran de faire ce qu’il fallait faire…Et là alors que tu t’évanouis bien confortablement c’est moi qui vais me faire arracher le bras. Mais c’est mon devoir, je suis un Cabb!»

Et il riait alors que le droid tranchait la chair et brisait l’os il riait comme un possédé… Car c’était le jour où Rommor Cabb mourrait enfin, le jour où Red Cabb né dans l’enfer de Tarensk pouvait enfin devenir celui qu’il avait toujours rêvé de devenir, un soldat invincible, un fils dont son père serait fier. Rommor serra les dents, c’était injuste, il avait tout fait pour avoir ça et quoi ? Il avait failli, mais quel être humain peut endurer tant d’épreuves et continuer à se montrer irréprochable ? Quel genre d’homme fallait-il être enfin ? Rommor baissa la tête et passa son chemin, sentant le rire vicieux de Red dans son dos sonner comme une condamnation.

Il était épuisé, il s’assit…Il était là en pleine nuit dans la chambre et la porte ouverte sur le balcon donnait sur la baie de Kaadara, le vent marin entrant avec des odeurs d’iode bienfaisantes, il le rafraichissait dans la moiteur du climat tropical. Il se tourna lentement et vit Moira endormie entre les draps, elle avait l’air si paisible…

«Gentille, bien pensante, tout comme maman, pas vrai Rom’ ? Mais tu sais bien qu’il faudra-t’en débarasser pour pouvoir enfin devenir seigneur de Cabb… Quoi tu pensais l’épouser ? Ne me fais pas rire, c’est une roturière, une rebelle ! Elle sort des ruisseaux de Moenia, cette ville répugnante!»

Rommor fit face à Red, revêtu de l’armure noire des commandos il le toisait d’un air sévère, appuyé dos au mur.

«Je sais, tu l’aime… Ne t’inquiètes pas je ferai ce qu’il faut. »

Et il sortit sa vibro-lame, avançant avec une grâce assassine vers le belle endormie. Red tenait fermement son poignard, comme il l’avait déjà fait des dizaines de fois auparavant, elle ne sentirai rien, il lui sectionnerai les cervicales d’un coup rapide…Elle ne se réveillerai peut-être même pas. Une main chaude se posa sur son épaule, Red s’arrêta, il trouva étrange de sentir une chaleur humaine à travers le revêtement composite de son armure et se tourna lentement pour voir Rommor.

«Quoi ?»

Mais il y avait quelque chose d’anormal, il n’avait pas son air triste et pleurnichard habituel… Il avait un air qui mettait Red très mal à l’aise.

«Rom’ qu’est-ce qu’il y a ? Je fais ça pour toi, pour nous deux…»

Et Red voulut affirmer la prise sur le manche de son poignard mais il se rendit compte que ce n’était pas son poignard qu’il tenait en main mais bien un crystal étrange. Et son poignard s’enfonçait lentement dans son ventre, la vibro lame déchirait ses entrailles avec une infinie douceur, dans un bruit soyeux comme le sang lui montait à la bouche. Red se sentit soudainement très triste, et très faible…Les jambes allaient lui manquer, mais Rommor le prit dans ses bras et le retînt, ca brave Rom’ qui lui sussurait chaudement à l’oreille.

«Nous deux c’est elle et moi, adieu Red…Je suis le seizième seigneur de Cabb à présent.»

Cet air sur le visage de Rom’ Red le reconnut enfin, c’était cette expression qu’avait quelquefois Père lorsqu’il parlait de Mère… Tout rebelle qu’elle fut, elle était Lady Cabb, l’amour de sa vie. Et Red l’embrassa avec un sourire douloureux en mourrant car sa tâche était accomplie.

«Salue Blue pour moi quand tu la verras en enfer.»

Et tout explosa, dans une vision apocalyptique de sang sur un fond noir des millions de soldats défilaient en martellant le sol de leur pas régulier, le poing sur la poitrine ils défilaient sous les yeux de ce vieillard mauvais à l’air moqueur… Voilà pourquoi tous ces gens mourraient, pour le bon plaisir d’un vieux sadique. Rommor ressentiti une vive colère, de la haine même et rêva soundain d’étrangler ce vieux fou, de le noyer dans tout ce sang qu’il avait fait couler.

«Ceci n’est pas mon Empire.»

Il lui avait tout pris : son nom, son visage, sa conscience, Sasha…

«Vous n’aurez ni Moira, ni Mère ni même Père ; je vous le reprends votre majesté… En cet instant je fais le serment que les Cabb vous retirent leur loyauté et qu’ils assisteront à votre chûte, il y aura encore beaucoup d’Heïyedahn après votre mort et votre souvenir même sera banni des mémoires.»

Et la lumière apparut, il vit distinctement le chemin.

Jinto préparait le dinner quand il vit Juba et Rommor rentrer, Rommor avait le visage barbouillé de boue rouge qu’il avait visiblement effacée en frottant rageusement… Et bien qu’affaibli il avait une détermination nouvelle, une lueur dans le regard.

«Red je dois dire que tu me surprendras toujours mon salaud, je pensais que tu n’y arriverai pas et que je devrai te tuer!»

Jubba aida le jeune homme à s’installer sur une pierre plate puis posa une main amicale sur son poing serré, s’exprimant dans un basic impeccable.

«Vous pouvez le lâcher Rommor, nous sommes en sécurité ici.»

Il acquiesca un peu surpris et remit précautioneusement le petit crystal autour de son cou. Rommor regarda Jinto l’air sérieux.

«Ne m’appelle plus Red, quant à me tuer tu n’aura pas à le faire, mais je vais peut-être devoir te demander de mourir...»

Jinto partit d’un grand rire et versa le premier bol de bouillie.

«A la guerre ! Mais d’abord à la bouffe…»

Le lendemain les deux hommes étaient prêts à repartir pour les camps de la guerilla, Rommor enfila son sac à dos et alla à son tour faire ses adieux à la prêtresse du Tia. Il lui déposa un baiser amical sur la joue et cela amena à la vieille un rire sec, lequel contrastait vraiment avec son élocution très académique du basic ancienne république.

«Méfiez-vous jeune homme, je suis encore assez vive pour vous faire regretter votre audace.»

Et il s’inclina de façon respectueuse avant de rattraper Jinto sur le chemin.

Rommor donna le dernier coup de pelle sur la tombe fraîchement creusée de Marxal J. Greene, il était épuisé, le moindre geste sur cette maudite planète était un calvaire… Il souffla et envisagea le trajet qu’il lui restait encore à parcourir avant de regagner l’astorport et le Gambit. Puis traverser lusieurs parsecs jusqu’à la première station orbitale, une douche et un vrai lit.

«Rien ne te remet les idées en place autant que quelques semaines de jungle pas vrai ?»

Le général-roi Jinto tirait sur son cigare en grimaçant, l’amputation d’un de ses doigts dans des conditions d’hygiène douteuses en s’anesthésiant au Grada n’étant pas étrangère à l’affaire.

«Tu es sûr qu’il va marcher?»

Rommor considéra le petit bout de chair et d’os enroulé dans le mouchoir puis le glissa dans sa poche.

«Non, ce type ne serait pas arrivé là où il en est sans une bonne dose de paranoïa mais on va gagner du temps… Toi pour former tes Speforces et moi pour trouver comment nous allons nous débarasser de monsieur Benten ou quel que soit le nom de cet infâme fils de putain.»

Jinto exhala un beau cercle de fumée quasiment parfait et prit un air affligé.

«Ce doigt a titillé les plus beaux organes de cette triste galaxie tu sais…C’est une perte pour l’industrie de l’holo-cinéma et le monde artistique en général, toi pour son épitaphe tu dirai quoi le poète?»

Rommor assura son paquetage minimaliste et réfléchit un instant à la question.

«Voici le perdant d’un combat épique qui opposa la sauvagerie à la civilisation, fort heurseusement la civlisation l’a emporté.»

Jinto prit un air faussement offensé et frappa Rommor à l’épaule.

«Béotien, hors de ma vue ! Marxal J. Greene sera un jour reconnu pour son génie artistique incompris de ses contemporains, tu verras!»

Avec pudeur les deux hommes se firent un signe d’adieu et repartirent chacun de leur côté de la clairière, l’un vers la décadence de la civilisation et l’autre vers la pureté de la sauvagerie.

Le film s’appellait « Le Fusil d’Omada », signé par Marxal J. Greene de façon posthume il racontait une histoire tarabusquée et révolutionnaire ; la majorité l’ignora comme à l’accoutumée et le COMPORN le classa d’office Rouge rien qu’en lisant le nom du réalisateur… Mais une personne l’aima et trouva que M.J. Greene était le plus grand génie cinématographique de tous les temps, bien que cette personne fut une toxicomane au dernier degré en plein trip au moment de la projection, on peut dire que le général-roi Jinto avait encore une fois été prophétique dans ses dires.

Le superviseur Ubiqtorat rencontra Rommor dans un salon de thé du vieux Coronet, lisant le journal il prit la petite boîte que l’assassin faisait glisser vers lui sur la table ; jetant un coup d’oeil fugitif à l’intérieur il hocha la tête.

«Ca a été difficile?»

Evidemment dans le monde du renseignement et des opérations clandestines on rédigeait rarement des rapports post-action, Rommor prit une gorgée de son thé Hutt et jetta froidement:

«Vous croyez que j’hésiterais si j’avais l’occasion de vous tuer?»

Créé le samedi 2 juin 2007 à 23h48 par Guinch & mis à jour le mercredi 20 mars 2013 à 14h06