Il y avait bientôt trois heures qu’il contemplait le plafond, les bras le long du corps et les yeux écarquillés il ne ressentait aucun besoin, aucune envie, pas même celle d’entamer une journée de plus.
«C’est un traumatisme courrant chez les combattants.»
Le toubib se faisait aussi rassurant qu’il pouvait mais Rommor n’avait qu’une interprétation à ce vide, il aurait du être mort et une partie de lui-même trouvait cette idée assez séduisante… Plus de mensonge, de culpabilité, d’angoisse ou de souffrance ; la mort.
«Tu vas rester allongé là longtemps?»
Il tourna la tête et rendit son regard à Sasha qui était assise sur une chaise à côté du lit.
«Je ne sais pas, je devrais rentrer à la maison.»
Les jours passèrent, les fonctions motrices de la partie gauche du corps de Rommor revinrent lentement, ses sensations mirent plus de temps ; Sasha ne réapparut pas alors que les doses de sédatifs furent graduellement réduites.
Pour l’instant il s’évertuait, entre deux repas où un infirmier lui donnait la béquée, à presser régulièrement une balle de gomme rouge dans sa main gauche. Sans passion mais avec application, il effectuait ses exercices, et le docteur lui promit de quitter l’infirmerie dans les deux jours suivants.
En fait, le jour même, les troupes de choc étaient venues le chercher.
Rommor rouvrit les yeux et sa poitrine se comprima légèrement alors que la tête lui tournait, il était debout et en uniforme ; ses yeux rencontrèrent des yeux exorbités, ceux d’un homme en train de mourir et ils étaient fixés aux siens… La victime ne pouvait y lire aucune compassion, juste une indifférence morbide.
«Je trouve votre manque de combativité consternant, capitaine Wassard.»
Dans un craquement sinistre la nuque du capitaine Armando Wassard se brisa et son corps tomba flasque sur le luisant pont d’envol du croiseur Glaive ; on n’entendait que le souffle terrible du seigneur noir occuper l’immense espace, tout le monde se taisait.
Rommor était froid, c’était sa seule défense face à ce monstre ; les sédatifs avaient parfaitement joué leur rôle et rien de la peur terrible ou de la haine qu’il éprouvait envers Vador ne filtrait à travers lui. D’un geste léger de sa main gantée, le seigneur Sith fit enlever le corps par les troupes de choc et se retourna vers sa navette comme si aucune des personnes autour de lui n’existait vraiment.
«l’Empereur compte sur vous capitaine Cabb, que ceci ne se reproduise pas.»
Il aurait sûrement du effectuer un salut en bonne et due forme mais le côté gauche de son corps n’aurait pas suivi… Et son esprit embrumé par la drogue avait le caprice de ne pas se faire, il répondit juste de façon très neutre.
«Oui monseigneur.»
La Navette de Vador mit une éternité à quitter le Glaive, personne sur le pont d’envol ne bougeait ; le second du vaisseau s’approcha de Rommor, les poings serrés dans son dos… Elle se maîtrisait parfaitement malgré un fond de larmes dans sa voix.
«Monsieur?»
Dans un soupir il revînt encore une fois au temps présent, jouant nerveusement avec l’alliance cachée sous son gant de cuir noir.
«Je prends le quart capitaine, allez vous reposer quelques heures.»
Son air buté était familier, l’image d’un cadet de troisième année de l’académie traversa l’esprit de Rommor ; accompagnée d’une sensation de fraîcheur illusoire probablement provoquée par les sédatifs... Mona Gillis, nulle en maths et capitaine de l'équipe de Grav-Ball de la promo... Puis ce furent toutes les donnée sde son dossier Ubiq qui défilèrent dans l'esprit de Rommor, sans intérêt.
« Et Mona, je m’occuperai des affaires du capitaine Wassard avec son intendant, alors profitez-en pour dormir un peu.»
Son regard se fit plus grand, surpris, alors qu’ils se reconnaissaient tous deux peu à peu ; mais il était trop tôt, aussi elle le salua et lui dit merci à sa façon.
«A vos ordres monsieur.»
Rommor quitta lentement le pont pour se diriger vers la passerelle, son rêve était devenu un cauchemar éveillé, il avait finalement obtenu son commandement: dans le fauteuil encore tiède d’un homme mort.