La journée s’était passée quasiment sans accroc, le Tyran de Corellia était un homme remarquable, ceci expliquait sa position unique, l’Empire ne remplacerai jamais vraiment le diktat Corellien. Néanmoins, qui disait homme remarquable, disait ennemi potentiellement dangereux ; aussi fallait il donc commencer à couvrir ses arrières.
_ Le capitaine de frégate Calloon est dans votre antichambre monsieur.
Rommor releva des rapports de renseignement qu’il était en train de consulter, souriant en pensant qu’il n’avait même pas imaginé qu’une chose telle qu’une « antichambre », comme Porter désignait magnifiquement le compartiment adjacent à son bureau, ait jamais existé à bord d’un destroyer de classe Victoire.
_ Faites entrer Aves.
Le bureau, était une petite baie d’observations située à l’arrière de la superstructure de la tour du destroyer ; Rommor aimait n’y allumer que sa lampe de bureau, laissant la pièce baigner dans la lumière des astres, à peine tamisée par le filtre de transparencier.
Calloon entra comme un missile dans la pièce, il martelait le sol de ses bottes cirées comme s’il avait voulu y laisser son empreinte, à distance respectueuse du bureau, il s’arrêta et salua en claquant des talons ; Rommor eut peine à ne pas serrer les dents d’agacement.
_ Capitaine Dex Calloon, commandant de l’ISC Conquérant au rapport, monsieur.
Faisant doucement basculer son siège vers l’arrière, le commandant du Protecteur plaça pensivement ses mains sous le menton avant de jauger un peu l’officier devant lui. Il laissa passer peut être trois secondes, juste le temps de mettre son subordonné mal à l’aise, puis se désintéressa de lui.
_ Repos.
Faisant mine de fouiller dans les cristaux de son bloc de données, Rommor laissa Calloon cogiter un peu. Ce dernier avait rapidement perdu de son assurance, et il devînt même un peu pâle lorsque ses yeux se posèrent sur l’alcôve dans la paroi près du bureau.
_ Excusez moi monsieur, mais est-ce bien…
Rommor releva la tête, et alluma négligemment la veilleuse du présentoir de l’alcôve.
_ Oui, c’est elle.
Il ne dit rien, l’armure rouge aux lignes agressives semblait hypnotiser Calloon, si bien que Rommor finit par éteindre brusquement la veilleuse, ramenant l’attention de l’officier Chandrilan sur lui.
_ Je viens de revoir votre rapport journalier Dex, vous imaginez donc sans peine la raison de votre convocation à bord.
_ Oui monsieur.
_ Je n’ai rien à redire sur votre application des règles d’engagement ; ce cargo suspect a fait l’objet de plusieurs mises en garde, dont un tir de semonce. Non, ce qui me gène, c’est d’ignorer la raison pour laquelle vous avez tiré au Turbolaser ; vous disposez du vaisseau le plus versatile de toute la marine impériale : canons à ions, rayons tracteurs… Dex, de mon point de vue, cet accident semble un acte tout à fait délibéré. Alors, j’espère que votre explication va dissiper cette impression.
Le solide homme blond déglutit difficilement, puis baissa les yeux.
_ Mon officier tactique a mal interprété mon ordre.
_ Existe-t-il une raison particulière à cela ? Ne vous êtes vous pas montré assez spécifique ? Y avait il des interférences sonores sur votre passerelle ?
_ Interférences sonores probablement.
Rommor éteignit le bloc de données.
_ Si nous avions abordé ce problème lors d’un briefing d’escadre, Loan vous aurait cloué au pilori et il n’y aurait eu aucun moyen de régler raisonnablement la situation. J’ai écouté les enregistrements de la boîte noire du Conquérant, Dex, votre officier tactique a profité d’un manque de détails dans vos ordres pour abattre ce cargo… J’ai fait ma petite enquête, votre tactique est un autochtone, ancien activiste du Parti pour l’Humanité ; il s’est ensuite « modéré » en passant au COMPORN ; d’après moi, il s’est payé, sur votre dos, un carton sur un cargo Selonien.
_ Je ne savais pas.
_ La flotte impériale est parasitée par un bon tas de débiles haineux, et en aucun cas je ne veux un de ces hommes pour assumer la charge d’officier dans mon escadre. Honnêtement, ce cas ne tiendrait pas face à une cour martiale, le COMPORN ferait pression pour blanchir l’homme en question.
_ Que dois-je faire ?
Rommor se redressa en frappant du plat de ses deux mains sur le bureau, faisant sursauter Calloon.
_ Qu’est-ce que vous devez faire ? Ai-je l’air d’un instructeur de l’académie capitaine de frégate Calloon ? ! Vous êtes le commandant d’un vaisseau de sa majesté, seul maître à bord après l’Empereur lui-même ! Vous êtes sensé savoir comment gérer ce genre de problèmes !
Rommor se retourna, faisant face au coin sombre où les deux hommes savaient tapie l’armure du clan Cabb.
_ Vous devez vous montrer clair et sans équivoque, instillez la peur de votre autorité dans le cœur de votre officier tactique… C’est le seul langage que ce genre d’hommes comprennent.
_ Bien monsieur.
_ En ce qui nous concerne, cet incident est classé sans suite ; vous pouvez disposer capitaine.
_ A vos ordres !
Rommor prépara ses nerfs pour encaisser le bruit des talons qui s’entrechoquent, puis il attendit que la porte de son bureau coulisse en sifflant avant de se rasseoir. Il songeait aux Séloniens, sans faire de sentimentalisme, ces créatures avaient été stupides et bien désespérées pour tenter d’échapper à un vaisseau impérial… Mais s’ils étaient rebelles, alors leur mort avait peut-être été préférable au traitement que l’Empire leur aurait réservé.