Rommor Ep53

Le Protecteur stationnait à quelques milliers de kilomètres de l’immense artefact extraterrestre nommé « Centerpoint », le centre névralgique du système Corellien. Selon des théories émises par les xéno archéologues les plus éminents, cette station n’était qu’un immense rayon tracteur… L’idée donnait froid dans le dos à voir les trois cent kilomètres de long de Centerpoint.

 

C’était l’heure de la prise de quart, le ventre vide, légèrement irrité par de courtes périodes de sommeil ; le capitaine de vaisseau Cabb entra sur sa passerelle, l’endroit était relativement calme avec une équipe de quart réduite.

 

L’enseigne Juli grimpa les marches du puit de la section comm et rejoint son commandant, un bloc de données à la main. C’était une petite femme, assez dans le genre de Rommor s’il en avait un, la peau très sombre, les traits en amande et des yeux turquoise… Sa silhouette était un véritable pousse au crime et l’officier supérieur nota que le dernier bouton de sa veste était défait. Cela n’avait rien de provoquant, c’était juste une entame sans risque pouvant stimuler l’imagination d’un spationaute solitaire quant à la possibilité de déboutonner la suite. Prenant le bloc pour parcourir le journal des communications, Rommor réprima un sourire amusé en jouant le jeu du glaçon ; ce genre de petites manipulations ne fonctionnait pas avec lui.

 

_ Mal réveillée enseigne ?

_ Non monsieur.

_ Vous avez raté un bouton de votre uniforme pourtant.

_ Ah.

 

Elle ne fit pas même mine de regarder, elle savait, et passa le bouton dans l’anse ; au bout de quelques semaines à la voir servir sous ses ordres, le capitaine Cabb avait cadré Rhava Juli ; une jeune femme intelligente qui savait retourner les préjugés de la flotte à son avantage… Faire carrière sans soutient politique dans la flotte était quasiment impossible pour une femme, encore moins quand elle montrait un certain exotisme vis-à-vis des traits considérés « humains » par les critères du COMPORN. Juli flattait juste ce qu’il faut l’ego des hommes de son entourage, la plupart du temps sa tactique était payante ; créer une tension sexuelle n’était pas souhaitable à bord d’un vaisseau spatial, mais les réglementations militaires étaient tellement strictes que cela représentait une protection efficace contre les hommes trop entreprenants.

 

_ C’est très calme aujourd’hui monsieur.

_ Je vois ça.

 

Le nombre de messages passant sur l’holo-réseau de la flotte était phénoménal, mais la majorité s’avéraient n’être que des mémos sans intérêt… Changement de brosse réglementaire pour l’entretient des bottes ? Quelle information utile ! Mais le trafic intra-système lui, plus spécifiquement les rapports de Corsec, intéressaient Rommor.

 

_ Mmm.

_ Quelque chose ne va pas monsieur ?

 

Les Corelliens étaient de vraies horloges sur leurs horaires de vol, un retard ou une annulation sur une ligne régulière pouvaient dès lors avoir des significations intéressantes.

 

_ Il semblerait que quelqu’un veuille un terminal hyperspatial dégagé pour son arrivée dans le système.

_ L’Amiral Klein ?

 

Même quelqu’un comme Klein, qui prenait son pénis pour un destroyer stellaire, ne pouvait pas se montrer assez maladroit pour bloquer le trafic civil afin de faire débarquer ses cuirassés en plein terminal hyperspatial… Par contre il pourrait bien penser que cela fonctionnerait en tant que diversion afin d’attirer la flotte de défense du système en position d’embuscade.

 

_ Nous avons là une invitation en bonne et due forme Rhava, convoquez tous les officiers d’Etat Major je vous prie.

_ A vos ordres monsieur !

 

 

 

 

Terminal hyperspatial long cours de Corellia, le croiseur d’interdiction Réitaire attendait, entouré d’une nuées de chasseurs TIE en tous genres… Rassemblés dans l’ombre de Tralus, le Conquérant, le Chancelier et le Rédempteur flanquaient le destroyer Protecteur comme une meute de katarns suivant un mâle Alpha ayant flairé l’odeur du sang.

 

_ Capitaine, réception message Flash prioritaire !

 

Tout le personnel sur le pont retînt son souffle alors que le second était allé chercher le message, Declan Varlan lu en silence puis amena la feuille au capitaine. Le QG Sectoriel annonçait le début de l’exercice contre la treizième escadre, le même jour que les perturbations de transit commercial annoncées par Corsec.

 

_ Monsieur Torjul, chargez l’hyperpropulsion ; Enseigne Juli, ordre à tous les vaisseaux, branle bas de combat, ceci est un exercice.

 

Les sourires sur le pont se firent écho, Rommor était fier de lui, son intuition avait été la bonne… Il ne restait plus qu’à accomplir le plus difficile, remporter la bataille… Mais Klein venait de lui donner un avantage très sportif.

 

 

 

Sur le pont du cuirassé Marteau de Guerre, le contre-amiral Severt Klein regardait l’horloge au dessus de la projection tactique décompter les minutes jusqu’à l’heure d’arrivée prévue. Sa puissante escadre fonçait à travers l’hyperespace, avalant les parsecs qui la séparaient du système Corellien.

 

Le contre-amiral n’y était pas allé de main morte avec l’entraînement de ses équipages, ce scénario avait été répété encore et encore, les temps de réponse étaient très bons, et plus que tout… Il disposait d’une puissance de feu suffisante pour écraser littéralement les vaisseaux de Cabb. Ce petit arriviste avait sûrement épaté ses connexions en haut lieu, jouant les vengeurs alors qu’il avait écrasé un croiseur dans un destroyer ; c’était au mieux un fou de la trempe du seigneur noir, mais quoi qu’il en soit, le score allait être ramené à zéro et le prodige prendre une leçon d’humilité.

 

_ Amiral, HPA moins dix minutes !

 

Klein se frotta les mains, il y était presque… Ils allaient surgir à une centaine de kilomètres à peine en dehors du terminal hyperspatial Corellien, juste sur la poupe offerte des vaisseaux de la cinquante septième escadre qui attendaient sûrement leur arrivée, canons rivées sur l’espace dégagé et balisé pour les sauts luminiques. L’amiral grimpa dans son fauteuil de commandement, prêt pour la victoire.

 

Les cuirassés sortirent tous les six dans une synchronisation parfaite, encerclant à bonne distance le terminal hyperspatial… Et le souffle de Servert Klein se figea dans sa poitrine ; devant lui, la gueule pointue d’un croiseur d’interdiction pas vraiment surpris attendait les cuirassés, enfin qu’importe, ils allaient l’écraser en moins d’une minute dès qu’ils seraient à portée de tir.

 

_ Champs d’interdiction hyperspatiale en formation !

 

Le capitaine de cet interdicteur avait bien appris sa leçon, mais c’était lui qui était pris au piège, pas la peine d’essayer de retenir les cuirassés, ils étaient là pour rester de toute façon.

 

_ Amiral, multiples contacts senseurs! Large formation de chasseurs stellaires se dirigeant vers le Fulgurant !

_ Combien ?

_ Un très large nombre… Au moins si… sept escadrons !

_ Larguez la chasse, feu à volonté et levez les b…

 

Mais il était trop tard, ils ne lèveraient pas leurs boucliers à temps, arrachés à l’hyperespace par les cônes gravifiques du Rétiaire, les croiseurs de la cinquante septième escadre apparurent derrière les cuirassés.

 

 

 

 

C’était étrange, une bataille sans aucun coup tiré, sans traits de laser fusant d’un vaisseau à un autre, sans explosions ni tremblements… Les opérateurs annonçaient les tirs, les dégâts, les appareils se mouvaient en silence et les ordinateurs de bord séparaient ceux qui étaient vivants, de ceux qui étaient morts.

 

_ Monsieur, nous venons de perdre le Rétiaire !

_ Boucliers à 53%, le Rédempteur signale des dégâts critiques sur sa propulsion.

 

Rommor serra les dents, il ne restait plus que deux cuirassés en état de combattre, mais à présent l’avantage de son attaque surprise avait disparu ; les cuirassés de Klein ayant survécu à l’attaque initiale avaient pu lever leurs écrans déflecteurs presque quarante secondes avant ceux de la cinquante septième escadre, laquelle avait pris de mauvais coups pendant ce laps de temps. La partie allait être serrée, le seul avantage des croiseurs était leur plus grande puissance de feu cumulée… Mais à l’usure, et avec l’appui des chasseurs TIE du colonel Durnin, les probabilités étaient du côté de Rommor Irius Cabb.

 

_ A tous les vaisseaux, concentrez le tir sur le Marteau de Guerre ; il est temps d’envoyer l’amiral Klein par le fond !

 

Tous les croiseurs accompagnant le Protecteur se déployèrent pour entourer le vaisseau cible, tous sauf un. Depuis la baie d’observation, Declan Varlan n’avait pas besoin de regarder la projection tactique pour comprendre.

 

_ Capitaine Cabb ! Le Conquérant est sur une route de collision avec le Marteau de Guerre !

 

Calloon… Mais que faisait cet imbécile ?! C’était pourtant évident, il se taillait un morceau de bravoure, stupide hommage au commandant de la cinquante septième escadre. Rommor serra les accoudoirs de son fauteuil, voyant subitement défiler devant ses yeux l’ombre du cercueil d’acier où il avait laissé mille trois cent vingt et un spationautes morts… Dont certains appartenant à l’équipage du navire qu’il commandait à présent.

 

_ Communications, ouvrez un canal vers le Conquérant. Calloon, ce n’est pas un jeu ; désertez ce vecteur immédiatement !

 

Mais Dex Calloon était sûr de lui, Cabb n’avait pas reculé ; lui aussi avait l’étoffe d’un grand officier spatial, il allait le lui prouver.

 

_ Ici Conquérant, négatif Protecteur, ils vont se dégonfler !

 

Dans un face à face, le tonnage du croiseur faisait pale figure face à un cuirassé ; et Klein n’allait sûrement pas se laisser vaincre par la tactique qui l’avait déjà discrédité face au reste de ses pairs officiers. Rommor enragea, se levant en hurlant quasiment de dépit.

 

_ Conquérant c’est un ordre ! Ne me faîtes pas interrompre cet exercice Dex ou vous le regretterez pour le restant de votre vie, parole de Cabb.

 

Le silence persista sur la fréquence un court moment, puis le Conquérant finit par s’écarter de son vecteur, son déflecteur entrant en friction avec celui du cuirassé, très près… Klein allait être furieux, surtout que l’ordinateur venait de déclarer le Marteau de Guerre hors combat.

 

_ Monsieur, le cuirassé Ardent nous transmet sa reddition, avec les compliments de son capitaine. Le Marteau de Guerre signale la fin de l’exercice.

_ Saluez le capitaine de l’Ardent ; rappelez tous les chasseurs, rassemblement de l’escadre sur notre position.

 

La victoire avait un goût un peu amer, car l’explication qui allait s’ensuivre serait houleuse… Et Dex Calloon risquait la cour martiale ; si Rommor voulait éviter à son compatriote d’être massacré par Klein et son honneur bafoué, il devait prendre les devants en le punissant sévèrement.

 

_ Conquérant, ici le capitaine Cabb ; second prenez acte, le capitaine Calloon est relevé de son commandement avec effet immédiat, qu’il me retrouve à bord du Marteau de Guerre pour présenter nos excuses à l’amiral Klein.

 

Rommor se leva, puis se ravisa avant de quitter la passerelle.

 

_ Vous avez tous fait de l’excellent travail, capitaine Varlan la barre est à vous.

La bataille était gagnée mais le plus dur restait encore à faire, Rommor se sentit las et souhaita pour un instant être tranquilement chez lui avec sa famille.

Créé le mardi 4 septembre 2007 à 22h55 par Guinch & mis à jour le mercredi 20 mars 2013 à 14h06