Rommor Ep56

Rommor était frais et dispo lorsqu’il avait quitté le Protecteur pour sa nouvelle permission, l’accident impliquant le Conquérant n’avait pas donné suite à une enquête ; les rapports de tous les commandants impliqués dans l’exercice, visés par le capitaine Cabb et l’amiral Klein avaient suffis à l’amirauté, désireuse de classer cette affaire assortie du suicide d’un de ses officiers au plus vite.

 

Mais pour Rommor, l’affaire ne s’arrêtait pas là ; il prenait quelques jours au domaine, sur Chandrila afin d’assister aux obsèques de Dex Calloon. Moira et les enfants allaient l’y rejoindre, il avait aussi invité Kern et sa famille pour régler certains détails dans un cadre discret.

 

Faire découvrir son monde natal et le domaine familial à ses proches aurait du remplir Rommor de bonheur, mais il était toujours miné par l’angoisse montant ces derniers mois ; l’échéance finale était vraiment proche à présent.

 

Pour couronner le tout, le retour imprévu de Rommor sur Chandrila n’allait pas sans toute une foule de tracasseries qu’il aurait aimé pouvoir repousser jusqu’à son installation officielle au domaine, des années plus tard. Porter attendait poliment en retrait, mais il était clair qu’il entendait régler tous ces détails avant que le VT-49 n’entre dans l’orbite haute de Chandrila.

 

_ Ouvrez le feu Aves.

_ A vos ordres monsieur, nous commençons avec le moff Remkar qui souhaite vous avoir à dîner avec madame au palais du gouverneur demain soir.

_ Excusez madame, je doute qu’elle veuille venir.

_ L’astroport du domaine demande si un accueil officiel doit être préparé.

_ Non, je saluerai les dirigeants de l’astroport et les notables locaux, c’est tout.

_ Le responsable relations publiques du COMPORN voudrait vous briefer, on dirait que la presse est sur les dents, la nouvelle de votre venue s’est éventée.

_ Casez le rendez-vous en fin d’après-midi au domaine.

_ Le régisseur du domaine vous informe que tout a été préparé pour votre arrivée ainsi que celle de madame et des enfants, la chambre bleue vous a été réservée et la chambre du levant est prête pour monsieur Amyel et mademoiselle Deseanna.

_ Et le régisseur a-t-il pris en compte votre présence à mon service, Aves ?

_ Nous avons eu une discussion courtoise mais ferme à ce sujet, la cuisine est laissée au personnel de maison mais votre service m’est dévolu.

 

L’air pincé du maître principal Porter ramena un sourire sur le visage de Rommor, cet homme était encore plus à cheval sur le protocole que le tyrannique régisseur du domaine Cabb.

 

_ Est-ce tout ?

_ Non monsieur, le commandant de l’école d’application d’infanterie vous invite à prendre le café et visiter ses installations.

_ D’accord, disons après-demain sur le coup de trois heures.

_ Et pour finir, le directeur général de Terragrocorp souhaite vous entretenir d’affaires « syndicales ».

_ Priez le à dîner au domaine ce soir.

 

Le Leukish local du syndicat Tenloss, un homme qui avait des raisons de s’inquiéter du retour d’un rival potentiel comme Rommor.

 

_ Et Aves ? Envoyez une invitation à déjeuner pour dans trois jours au lord conseiller Mothma et son épouse, il serait bon qu’ils rencontrent leurs arrière petits enfants… Faites ça de façon un peu informelle et évitez de faire figurer les titres et honneurs militaires sur le carton, ce ne sont pas des amoureux de l’institution.

 

Rommor espérait avoir paré à toutes les politesses officielles, et dire que ce serait pire lorsqu’il accéderait à la fonction de Lord Protecteur ! Il lui faudrait tout un cabinet pour gérer tout ça… Moira n’allait pas apprécier.

Le reste du voyage fut calme et la navette d’assaut finit par sortir de l’hyperespace à quelques milliers de kilomètres de Chandrila, puis elle ralentit et glissa avec aisance dans les couches supérieures de l’atmosphère. Chandrila la verdoyante, couverte de lacs et de forêts, de grands champs où dansaient des épis dorés… Combien de temps cela faisait-il ? Bien au moins six ou sept ans que le fils du Lord Protecteur n’était pas rentré au pays.

 

La navette se posa sur une des pistes de l’astroport de Hauteflamme, la capitale du domaine Cabb ; malgré les consignes pour des salutations rapides données par Rommor, il y avait bien une haie d’officiels attendant sur le tarmac. Le directeur de l’astroport, le Lord maire de la ville et une petite troupe d’anciens combattants… Le jeune officier se fit une raison et composa son masque le plus digne, saupoudré d’une pointe de convivialité. La journée allait être longue…

 

 

 

 

Prenant le petit déjeuner sur la terrasse côté levant du domaine, Rommor et Moira réglaient une petit point de protocole autour du thé matinal.

 

_ Trésor, sommes nous bien obligés de faire ça ?

_ Je pourrai te répondre que non, mais ce serait laisser le champ libre à tous les détracteurs de la famille pour se répandre en calomnies dans la presse, et ils sont nombreux.

_ Notre vie de famille n’a pas à faire l’objet de luttes politiques, nous nous sommes mariés sur notre lieu de résidence dans la bordure extérieure, et alors ? Nos enfants ne sont pas nés hors mariage que je sache ! Bantha Pudu… Nous n’avons rien à nous reprocher !

_ Ne jure pas mon amour.

_ Mieux vaut que je jure tout mon saoul maintenant plutôt qu’à cette bile de Sarlacc de conférence de presse ; je me croirai revenue aux jours de présentation des grandes collections !

_ Et bien c’est un peu ça, sauf que nous disons bonjour à nos administrés et à nos voisins, et on leur présente notre meilleure collection, soit nos enfants.

_ Ils sont trop jeunes.

_ On ne fait que saluer la presse depuis le balcon de la résidence, les enfants dans les bras ; bien sûr qu’ils n’auront pas à souffrir une conférence de presse bruyante et ennuyeuse.

_ Mais nous, si.

 

Rommor leva les mains au ciel, sans autre chose à répondre.

 

_ Quand est-ce que la presse arrive ?

_ La sécurité les bloque déjà au portail au moment où nous parlons.

_ C’est toujours comme ça à chaque fois que tu viens en vacances ?

_ Plus ou moins, mais là il faut dire que je reviens d’entre les morts, la poitrine bardée de quincaillerie et avec à mon bras la plus sexy des retraitées de la haute couture de la bordure… Ah j’oubliais, je l’ai épousée et nous avons fait deux enfants ; pour les tabloïdes locaux ça fait beaucoup à avaler d’un coup. Imagine combien les débutantes de bonne famille doivent être déçues…

_ Vante toi donc ! Dois-je te demander comment va ta délurée de cousine amoureuse de la botanique, monsieur le jardinier ?

_ Et bien si je ne me trompe pas, elle en est à son second mariage.

_ Quelle famille !

_ Elle appartient au côté maternel, j’ai tendance à considérer que ce ne sont pas mes meilleurs gènes.

 

Moira fit une moue un peu déçue en entendant le ton acide de la remarque de son époux.

 

_ Rommor, fais un effort s’il te plaît.

_ Je te le promets, je compte bien résoudre certains de ces vieux conflits dans l’avenir, pour le bien de notre famille.

 

Elle lui sourit et il lui embrassa la main, se levant de table.

 

_ Il est temps d’aller se préparer, on va leur en mettre plein la vue ma chérie.

 

Pendant ce temps, le maître principal Porter veillait au grain, un peu gaga devant les enfants de son commandant, il faut dire. Et il n’était pas le seul, absolument tout le personnel de maison semblait ravi de voir la vie revenir au domaine ; les cadeaux et courriers de félicitations avaient commencé à arriver de toute la planète par camions speeders entiers.

Rommor se dirigeait vers sa chambre quand il aperçut son intendant immobile, fixant les enfants encore assoupis ; il s’approcha sur la pointe des pieds et se mit à chuchoter.

 

_ Ils dorment Aves… Ce qui est assez rare à cette heure-ci ; bref, pas la peine de les surveiller. N’allez pas me les réveiller voulez-vous ?

 

Porter sortit de la pièce et Rommor referma précautionneusement la porte de la chambre du levant.

 

_ Vous avez des enfants monsieur Porter ?

_ Huit, et des petits enfants aussi… vingt-trois pour être exact.

_ Et vous perdez votre temps à me suivre aux quatre coins de la galaxie ?

_ Nous avons tous nos devoirs, monsieur… Et non, une retraite anticipée ne m’intéresse nullement ; il me faut des crédits pour gâter tous ces petits monstres.

 

Rommor sourit, la réponse était pleinement satisfaisante.

 

 

 

 

Le séjour sur Chandrila passait, plutôt rapidement d’ailleurs ; toujours entre un repas, une invitation à une cérémonie officielle, et parfois un instant de calme en famille. Japhal Kern et son épouse Ludmilla avaient rejoints les Cabbs au domaine, et même Moira n’était pas pour s’en plaindre, les Kerns étaient un couple sympathique. Tout militaire de carrière qu’il fut, le colonel Kern ne parlait jamais de son métier ou bien de politique, préférant se focaliser sur ses hôtes et la planète, quant à son épouse c’était une femme de caractère, aimant la vie et prenant assez peu de choses au sérieux, elle fumait, buvait et travaillait pour gagner sa vie ; d’ailleurs, Ludmilla Kern faisait un usage extensif des facilités de communication du domaine pour mener ses affaires, bien qu’elle fut en vacances… Elle avait fait fortune avec une chaîne de restaurants familiaux dans les colonies intérieures et s’attaquait à présent à la conquête de nouveaux horizons.

 

Lorsque les hommes voulaient discuter métier, ils s’exilaient à la salle d’armes pour s’entraîner à l’escrime ou bien partaient tirer quelques bêtes dans la vaste forêt du domaine. Moira avait été surprise, en discutant avec la business-woman, lorsque celle-ci lui avait révélé l’étendue de l’admiration que son mari, pourtant de vingt ans son aîné, portait à Rommor. L’histoire ne fourmillait pas de détails, seulement que Japhal avait une « dette » envers son jeune collègue. Monsieur Kern n’avait pas l’air d’être un homme expansif.

 

Le déjeuner avec les arrière grands parents d’Amyel et Deseanna ne fut pas des plus cordiaux, le Lord Mothma éprouvait un mépris à peine dissimulé pour son petit fils, lequel esquivait tant bien que mal la chose en essayant de se montrer un hôte aimable. Tout au long du repas, Rommor dut puiser du courage dans les yeux de Moira pour ne pas baisser les bras. Sa grand mère, heureusement, semblait vouloir mettre les choses du passé derrière elle et profiter autant que possible de ses arrière petits enfants. Ils restèrent tard dans l’après-midi avant de repartir pour leur résidence de Candril, sur l’autre continent ; malgré l’invitation à revenir exprimée par les époux Cabb, seule lady Mothma fit le déplacement à deux reprises.

 

Les obsèques du jeune capitaine de frégate Calloon furent un moment pénible, on attendait de Rommor qu’il prononce quelques mots mais il était là en pénitent, pas en ami ; il montra de la ressource néanmoins et prit sur lui d’exprimer ses regrets avec dignité, l’affaire avait été maquillée en accident, pour sauver l’honneur. Le fond de son cœur s’exprima par quelques mots qu’il avait écrits à sa femme à propos de Dex.

 

« Un soldat devrait mourir au combat, et un bon soldat ne pas mourir du tout. »

 

Rommor fut sombre pour le reste de la journée suite aux funérailles ; un courrier scellé, arrivé durant la journée au domaine, n’arrangea pas son humeur ; et Moira attendit qu’ils fussent seuls dans leur chambre pour s’ouvrir à lui de son inquiétude.

 

_ Est-ce que ça va ?

_ Un peu à bout, c’est rien.

 

Elle passa derrière lui sur le lit et entreprit de lui masser les trapèzes, il était tendu comme une corde à arc.

 

_ Ca fait des mois que tu prétend faire des trucs de routine dans ton boulot, mais tout ce que je vois c’est que tu te diriges vers un ulcère à la vitesse de la lumière. Arrête de faire ta tête de Fambaa et dis-moi ce qui te tracasse.

_ J’ai un rendez-vous très important demain, il faudrait que tu occupes Kern et sa femme.

_ Tu changes de sujet Trésor.

_ Non, ce rendez-vous me file le trac.

_ Et tu ne veux pas me dire qui tu va rencontrer ?

_ Je te raconterai tout une fois rentré.

_ Plus tard quoi…

 

Elle le lâcha puis retourna s’adosser à la tête de lit ; il se retourna et la rejoint, il avait vraiment du mal à gérer ça ; c’est vrai qu’il jouait la montre depuis le début de cette histoire.

 

_ Excuse-moi chérie, tu sais bien que ce n’est pas une question de confiance.

_ Si c’est exactement une question de confiance, tu n’as pas confiance en ma capacité à me protéger ou à protéger nos enfants, tu ne l’as jamais eu et c’est vraiment…vraiment blessant et humiliant à la fin de se faire traiter comme une « faible femme ».

 

Rommor resta coi, bien sûr elle avait raison, c’était la façon dont il avait été élevé et malgré tout son prétendu progressisme, il remettait le couvert de son père. Il devait faire quelque chose avant que ce mur de silence ne les sépare. La pièce était sûre, il prit une profonde inspiration et ferma les yeux.

 

_ Je vais rencontrer ma mère.

 

Il rouvrit les yeux et ceux grisés de Moira étaient rougis, au bord des larmes… Il devait aller jusqu’au bout.

 

_ Je représente une faction d’officiers supérieurs souhaitant mettre en œuvre un climat propice à la négociation d’un cessez-le-feu, et ce en vue d’une normalisation de la situation galactique.

_ C’est impossible…

_ Pas si l’Empereur meurt.

 

Le côté gauche de son visage tremblait à l’énonciation de son projet, Moira laisser couler ses larmes en silence ; Rommor lui-même était à bout de nerfs.

 

_ Je ferai tout, et n’importe quoi pour vous protéger toi et les enfants, maintenant tu le sais.

_ Dans mon cœur, je l’ai toujours su.

 

Il prit sa femme dans ses bras, avec le besoin farouche de la sentir contre lui.

 

_ Je suis mort de trouille Moira.

Créé le lundi 10 septembre 2007 à 19h20 par Guinch & mis à jour le lundi 10 septembre 2007 à 19h21