Rommor Ep60

 

Un an avait passé, une très mauvaise année pour l’Empire Galactique ; après une traque impitoyable des insurgés du grand amiral félon Zaarin, la force Ouragan du grand amiral Thrawn était revenue victorieuse… Mais la flotte impériale était affaiblie par ces nouvelles purges, beaucoup d’officiers de valeur avaient été perdus durant les deux dernières années du conflit sans qu’un seul tir rebelle n’entre en compte ; beaucoup trop.

 

Pour couronner le tout, avec son honnêteté brutale, Thrawn avait désapprouvé le plan de bataille de l’Empereur, résultat, il avait été envoyé à bord du Vanguard en mission dans les régions extérieures ; la politique avait encore prévalue sur la raison. Combien de fois l’Empereur devrait-il envoyer Thrawn en exil avant de se rendre compte que ses conseils devaient être pris sans considération d’orgueil et avec le plus grand sérieux ? Mais plus le temps passait, et plus l’Empereur semblait plonger dans une sorte de démence obscure et incontrôlable ; l’inquiétude marquait même le sévère Lord Protecteur Cabb lorsqu’il avait croisé son fils au retour de la force Ouragan.

 

Cette année avait fait vieillir Rommor un peu prématurément, son échec avec les insurgés, la façon dont l’Empereur l’avait encore une fois gardé dans son giron comme un bon petit chien, la situation qui se dégradait sans qu’il ne puisse rien y faire… Il n’avait jamais disposé d’autant de pouvoir, mais il ne s’était jamais senti aussi impuissant non plus.

 

Il était officiellement interdit de célébrer le jour de la vie, fête traditionnelle liée à l’ancien régime, à bord des navires de la flotte impériale ; mais pour tout les membres des forces armées passant cette fête loin de leurs familles, il fallait bien trouver un moyen d’encaisser la baisse de moral associée à cette période… Et le moral n’était pas au beau fixe ces derniers temps.

 

Rhava Juli heurta violemment le tapis d’entraînement, le colonel Kern s’avança inquiet pour l’aider à se relever, mais elle lui fit signe et se redressa seule, encore commotionné et endolorie, mais vivante. Le commodore jeta le couteau en plastique à ses pieds… Idéalement il aurait du se trouver dans les mains de Rhava.

 

_ Essayez d’assimiler ce concept lieutenant, le poing impérial n’est pas une succession de gestes et de combinaisons, il faut y mettre de la force et de la volonté ; vous répétez bien les mouvements, mais vous vous y appliquez tellement que vous oubliez qu’il s’agit d’un combat. Votre attaque n’avait aucune vigueur.

 

Elle ramassa le couteau et il lui tourna à nouveau le dos.

 

_ C’est un couteau d’entraînement, mais vous devez vraiment vouloir me tuer avec, sinon ça ne sert à rien.

 

Rhava avait fait des pieds et des mains pour pouvoir participer à l’entraînement particulier que le Commodore donnait à ses bérets rouges, imaginant que cela lui permettrait de donner un petit coup de pouce à sa carrière ; mais elle n’avait pas imaginé que ce serait aussi dur… Ni qu’elle y prendrait goût. Se passant la langue sur les lèvres, elle affirma sa prise sur le manche du poignard et focalisa tout ce qu’elle avait de colère en une seule idée : tuer l’homme qui lui tournait le dos.

 

Elle trancha les tendons derrière le genou gauche, frappa de la pointe aux reins, et conclut rapidement en tranchant la gorge avant d’amener au sol. Elle maintînt sa victime en appuyant de tout son poids, genou dans le dos et l’avant bras libre sur sa nuque… Tout ce temps, elle eu la certitude de lui faire mal. Elle finit par se retirer, le commodore se releva, l’arme factice avait laissée des traces de friction rougeâtres sur son cou, il aurait probablement de beaux bleus aussi.

 

_ Alors ?

_ C’était correct lieutenant, n’oubliez jamais que le secret est de savoir mobiliser toutes vos forces au moment de frapper ; être calme et silencieux le moment avant, puis déchaîner votre violence en un instant.

 

Elle acquiesça, se permettant de sourire de satisfaction ; elle appréciait de savoir qu’elle disposerait aussi de ce pouvoir de menace latente, que certains de ses interlocuteurs à bord la regarderaient comme un serpent lové et calme, mais toujours prêt à frapper comme un trait de blaster. C’était ce pouvoir qu’elle admirait chez son officier commandant, ça et son succès fulgurant dans la hiérarchie… En évoluant dans son entourage, elle profiterait de son attraction, comme le satellite d’un corps céleste en mouvement. Son seul regret pour l’instant, était l’échec de ses tentatives pour gagner les faveurs du commodore sexuellement parlant ; mais son nouvel angle d’attaque semblait avoir plus de succès, elle se montrait compétente, elle briguait de nouvelles responsabilités, et Cabb semblait apprécier.

 

Rommor s’essuya d’un coup de serviette éponge, puis décida que la séance avait assez durée ; il avait failli dépasser la limite et faire mal à son disciple plus qu’il ne fallait, la frustration et la colère flottaient à la surface de sa conscience… Il était temps d’arrêter.

 

_ Ca suffit pour aujourd’hui, je vous verrai au briefing de treize zéro zéro lieutenant.

_ Oui monsieur.

 

Il devait garder cette jeune femme à l’œil, elle faisait tout pour se rendre indispensable et s’il la laissait faire, elle s’attaquerait vite aux prérogatives de ses collègues, brisant l’harmonie du fonctionnement de l’escadre. Juli était devenue l’officier de liaison au sein de son état major, elle était extrêmement compétente mais juste un peu trop ambitieuse.

 

La disgrâce du grand amiral Thrawn avait frappée ses subordonnés, Rommor avait eu de la chance de conserver son escadre ; mais son affectation n’était pas des plus glorieuses, patrouiller dans les mondes du noyau. Il était difficile de conserver ses équipages sur la brèche sans autre réelle action que des contrôles douaniers, six mois de ce régime avaient sérieusement entamé le moral des hommes et femmes de la cinquante septième escadre de croiseurs lourds.

 

A la maison, Rommor avait l’impression d’avoir déçu son épouse ; et même s’il était le seul à se reprocher l’échec de la tentative d’assassinat de l’Empereur, il s’absorbait dans son travail, la gestion de ses intérêts financiers ou ses séances d’entraînement pour éviter d’affronter trop longtemps le regard de Moira… Evidemment, cela la blessait, même si elle comprenait le repli de son mari ; Rommor en accro du contrôle, se rendait responsable de tout. Il lui manquait simplement un nouveau grand projet dans lequel s’investir pour l’avenir, il avait son escadre, son destroyer, une famille merveilleuse ; il lui fallait juste plus, la certitude de travailler au bien de la galaxie sûrement, et actuellement il en était loin.

 

Rommor entra dans ses quartiers, il était déjà très satisfait de ceux qu’il occupait à bord du Protecteur, mais le grand amiral Thrawn lui avait laissé un projecteur holographique de grande qualité et une large copie de sa collection d’art à bord du Grey Wolf ; une pièce toute entière était réservée à sa consultation, comme une salle de méditation. Le jeune officier général regrettait d’avoir été séparé aussi vite de son nouveau mentor, il y avait tant à apprendre de lui ! Enfin… Rommor salua le fusilier de faction posté à sa porte, puis entra dans ses immenses quartiers, situés dans le château arrière de la superstructure du destroyer.

 

_Commodore.

_ Eddie.

 

Rommor confia sa serviette à son intendant, la remplaçante de Porter avait été choisie avec soin ; le second maître Edna Garth avait d’excellentes recommandations, elle était originaire du domaine Cabb et contrairement à beaucoup de maîtres de rang de la flotte, n’avait pas commencé sa carrière comme steward à l’amirauté. Service actif dans la salle des machines d’un ravitailleur, citation pour avoir sauvé un camarade lords d’un incendie ; Edna Garth avait laissé sa main droite dans le compartiment dépressurisé d’une frégate de classe Lancier, le sas d’urgence l’ayant broyé. Suite à cette blessure, elle avait été retirée des unités de ligne et officiait à l’académie comme instructeur de survie spatiale. Rommor l’avait débauchée en lui promettant un supplément de traitement « au noir » ainsi que le financement d’une prothèse anthropomorphique pour remplacer celle, sommaire, à laquelle la marine lui avait donnée droit. Edna, aujourd’hui appelée « Eddie », avait l’habitude des officiers, elle évoluait parmi eux aussi aisément que chez les spationautes du rang ; c’était de plus, une personne de confiance.

 

Eddie avait souffert deux mois de stage à l’école d’intendance de l’amirauté, elle maîtrisait à présent son sujet ; sans pour autant arriver à égaler son prédécesseur… Mais ce n’est pas ce que Rommor attendait d’elle. Il était étrange de constater que parfois, Porter lui manquait.

 

_ Avez-vous eu l’occasion de consulter le menu du repas pour le jour de la vie monsieur ?

_ Non, je suis sûr que les chefs et vous avez fait du bon boulot.

_ Je dirai même plus monsieur, on s’est sortis les tripes sur ce coup-là ; vous avez l’air usé, mais si vous aviez deux secondes pour viser le menu, ça ferait rudement plaisir aux gars des cuisines.

 

Rommor s’arrêta au seuil de sa chambre, enlevant son débardeur trempé de sueur… Il ravala une répartie acide, il ne devait pas négliger les actes de gestion quotidiens au seul prétexte qu’il était amer.

 

_ Que les commandants amènent leurs équipes de cuisine à bord du Grey Wolf pour le briefing de cet après-midi, je les remercierai personnellement pour leurs efforts ; mettez-nous du café et de la blanche de côté, et achetez plusieurs cartouches de bâtons de cendres au magasin du bord, sur mon compte.

_ Je m’en occupe tout de suite monsieur.

 

Eddie savait garder ses distances tout en poussant un peu son commandant aux fesses, un bon coup de pouce bien utile alors qu’il planait avec des envies de grandeur. Rommor se réprimanda mentalement pour sa bêtise et s’accorda l’indulgence d’une douche chaude de dix minutes.

 

 

C’était le jour de la vie, la petite assemblée d’officiers conduisait une réunion informelle après déjeuner ; l’ambiance s’était légèrement améliorée, à part peut-être chez les troupes de choc... Les commissaires politiques n’étaient pas les derniers à avoir accueilli ce petit extra avec un certain plaisir.

 

Le capitaine de vaisseau Lamar Benquist, commandant de l’IVD Protecteur, tirait sur un cigare de cubaba grande réserve tout en révisant des rapports récents sur son bloc de données.

 

_ Toujours au travail Lamar ?

_ Je suis un commandant de destroyer maintenant, je dois montrer l’exemple.

 

Rommor s’assit près de son premier officier, le Corellien avait aussi conscience que la situation galactique se dégradait peu à peu. Ils restèrent assis sur le sofa en silence un moment, puis Benquist posa son bloc de données.

 

_ Vous avez lu le dernier scandoc du renseignement Rommor ?

_ Oui.

_ Les rebelles rassemblent une large flotte de combat à Sullust si on en croit cette analyse.

_ Et soixante quinze pourcent de notre effectif est on ne sait où, faisant les quatre volontés du seigneur Vador.

_ Bonté spatiale, vous nous entendez parler ? Nous critiquons ouvertement les décisions tactiques de notre hiérarchie !

_ Quelle hiérarchie Lamar ? Nos meilleurs officiers généraux sont envoyés en exil ou bien stationnés loin du combat…

_ Vous avez une mine horrible Rommor, j’ai conscience que je vous dit ça souvent ces derniers mois, mais vous avez l’air complètement éteint.

_ Nous jouons aux soldats de plomb dans nos gros vaisseaux, merde Lamar, quitte à faire ça je préfèrerai être chez moi avec ma famille un jour de la vie !

 

Le Corellien haussa les épaules, impuissant.

 

_ Vous devriez peut-être faire un break, tout le monde comprendra que vous laissiez tomber le service actif pour enseigner durant quelques temps à l’académie.

_ Non, je pense plutôt quitter le service de sa majesté, définitivement.

 

Benquist était visiblement choqué, à croire que Rommor lui avait fait un bras d’honneur en déclarant vouloir déserter.

 

_ Vous n’y pensez pas sérieusement ?! Rommor, lancé comme vous l’êtes vous pourriez bien devenir le plus jeune des grands amiraux avant votre quarantième anniversaire !

_ Ca ne compensera pas le temps que je passerai loin de ma femme et de mes enfants, je sais très bien que de nombreux militaires vivent assez bien cette situation ; mais si j’ai le choix, alors je choisis ma famille.

 

Le commandant du Protecteur se laissa glisser en arrière dans le sofa, contemplant en silence son supérieur.

 

_ Commodore, si les derniers modérés quittent nos forces armées, spécialement les officiers généraux comme vous, qui auront l’influence nécessaire pour faire bouger les choses lorsque nous en aurons besoin ; alors ces fanatiques du COMPORN ont gagné et notre Empire est bien mort.

 

Le bruit des conversations baissa d’un cran, Benquist mettait vraiment les pieds dans le plat ; même Rommor était… soufflé. Le Corellien, fidèle à la réputation de son peuple, ne se laissa pas démonter et conclut.

 

_ Est-ce que le grand amiral Thrawn a baissé les bras ? Par deux fois il a été envoyé en exil, et je ne parle même pas du fait qu’il s’est hissé où il en est, et ça tout en étant non-humain !

_ Capitaine Benquist, ça suffit ; vous passez les bornes.

 

L’air gêné de Rommor aurait pu être comique s’il n’avait usé de son ton de commandement pour s’adresser à son ami. Benquist se leva, rigide.

 

_ Je vous prie de m’excuser Commodore, j’ai sûrement bu un peu trop à table… Avec votre permission, je vais me retirer dans mes quartiers à bord du Protecteur.

_ Permission accordée capitaine, reposez-vous un peu et n’en parlons plus.

 

Rommor avait sous-estimé l’intégrité de Benquist, intérieurement il se réjouit, comme ranimé d’avoir su gagner l’amitié d’un tel homme ; mais alors que ce dernier s’éclipsait, il avait ici une situation à désamorcer. Le commandant de la cinquante septième escadre se leva et prit un air amusé.

 

_ Je vous rappelle que la consommation d’alcool à bord des navires de sa majesté est formellement interdite par les règles de probité édictées par le parti !

 

La remarque ne manqua pas de faire rire et Rommor se fondit dans la foule, signifiant que l’incident était clos… Les conversations reprirent de plus belle ; onze jours plus tard, l’Empire rencontra la défaite au large d’Endor.

 

Créé le mardi 25 septembre 2007 à 21h06 par Guinch & mis à jour le mercredi 20 mars 2013 à 14h06