Rommor Ep65

 

Dans sa cellule, Rommor n’avait pas fini sa journée ; il recevait à présent Cortez P’shaïr, le directeur exécutif de la JSC, pour Jethro Shipping Company. Le dévaronien avait une belle peau rouge, lisse comme un revêtement plastique ; un visage aux os anguleux et prononcés, mais néanmoins bien plein ; son principal atout, outre un goût vestimentaire irréprochable et de bonnes manières, était son regard ; un peu comme le grand amiral Thrawn, mais dans une moindre mesure, le regard uni et profond de P’Shaïr lui donnait un net avantage lors de négociations face à face, peu de gens soutenaient ce regard-là ; son patron néanmoins, et son leukish, était de ces hommes avec lesquels il ne jouait pas.

 

_ Les opérations avancent selon vos plans monseigneur.

_ Où en est-on ? Faites moi un topo Cortez.

 

Ouvrant la veste de son costume taillé sur mesure, le dévaronnien se passa une main sur les cornes de façon machinale tout en consultant le datapad ultra plat qu’il abritait dans la poche intérieure de sa veste.

 

_ 78% des familles ont été rapatriées ou sont en transit vers Chandrila à bord de nos vaisseaux, 4% sont en transit sur des vols commerciaux dont le départ a été constaté, nous avons des problèmes à localiser le reste des réfugiés.

_ Faites appel à des contractants extérieurs, je veux que toutes les familles des anciens fonctionnaires impériaux à mon service soient arrivées au domaine Cabb d’ici la fin de ce procès.

_ Cela va nous coûter affreusement cher ! Nous avons du détourner quasiment toute notre flotte de petits et moyen porteurs pour cette opération, cela représente un manque à gagner considérable… Nous creusons dans notre trésorerie monsieur et je doute que les profits des casinos nous permettent de maintenir la JSC à flot si nous poursuivons dans cette voie.

_ Je mise sur l’entrée en jeu des capitaux Chandrilans lors de la nationalisation, pour nous redresser ; il faut que les casinos continuent d’être notre bonus, j’ai d’autres plans pour cet argent.

_ Comme vous voudrez, je retourne à nos bureaux dans ce cas.

_ Merci Cortez.

_ A votre service monseigneur.

 

P’Shaïr était le genre de salaud qu’affectionnait Rommor, un homme d‘affaires efficace et sans scrupules, compétent dans sa partie sans pour autant déborder sur d’autres domaines, ce qui aurait pu le rendre trop gourmand. Et quelle vitrine ! Il présentait bien.

 

 

Coruscant était calme, vue depuis le balcon d’une des tours du Palais impérial ; le trafic aérien d’habitude intense de la cité planète, était réduit depuis la victoire rebelle… Beaucoup de gens se terraient chez eux, craignant des pillages ; les autres, ceux qui craignaient les arrestations, avaient carrément fait leurs valises.

 

Borsk Fey’Lya humait l’air du soir, cette ville sentait le pouvoir ; la galaxie était dans un état de grande vulnérabilité, sur le point de se disloquer ; et beaucoup des alliés d’hier, étaient à présent les ennemis d’aujourd’hui… Mon Mothma était la figure de proue pouvant tous les rassembler derrière la bannière historique de la Rébellion et de l’Ancienne République, mais elle était trop scrupuleuse, trop humaine pour assumer correctement ce rôle. Borsk Fey’Lya était l’être nouveau qu’attendait la galaxie, il avait une vision d’avenir et savait comment aplanir les difficultés pour atteindre ses objectifs.

 

Face à des hommes comme Rommor Irius Cabb, il n’y avait qu’un langage pour se faire entendre : celui de la manipulation et de la violence.

 

Le Lord Doyen Javen Mikarr de Chandrila rejoignit le conseilleur bothan sur le balcon ; le vieil humain au visage crispé regarda un très bref moment le spectacle de la capitale endormie puis l’abandonna sans regrets.

 

_ Conseiller Fey’Lya, nous sommes très inquiets de la tournure que prend ce procès ; vous nous aviez garanti que Cabb ne s’en sortirait pas ; la haute assemblée commence à reconsidérer sa position… Vous n’êtes peut-être pas celui que nous devrions soutenir finalement.

 

Fey’Lya rayonnait d’une confiance sereine.

 

_ Allons Lord Doyen, ce procès est loin d’être terminé ; d’une façon ou d’une autre, Cabb n’échappera pas à la justice.

_ Arrêtez avec vos discours, je ne suis pas intéressé par votre justice ! Faites ce qu’il faut, vous m’entendez ?

_ J’ai déjà donné des instructions à cet effet.

 

La nuit tombait, sans pour autant réussir à régner sur Coruscant, les lumières de la cité planète ne s’éteignaient jamais.

 

 

Après un dîner frugal, Rommor s’était allongé dans le silence de sa cellule ; il faisait noir ici dans les sous-sols du palais ; respirant lentement, le prisonnier pouvait entendre la présence sonore du garde de faction au bout du couloir, s’ennuyant à son bureau.

Rommor songeait à sa femme et à ses enfants, quelque part dans le palais endormi ; l’épreuve arriverait bientôt à son terme, il en avait la certitude et étrangement les mots d’Aves Porter lui revenaient à l’esprit ce soir :

 

« Soyez en sûr comme du fait que le soleil finit toujours par poindre à l’horizon. »

 

Aves Porter, où pouvait-il bien être ? Qui pouvait-il bien être ? Pourquoi penser à cet homme alors qu’il était à la veille d’un jour attendu depuis si longtemps ? Demain, il allait enfin pouvoir se venger de Crix Madine en le discréditant… Et faisant d’une pierre, deux coups, s’assurer de l’issue du procès. Rommor chassa ces pensées excitantes, vida son esprit et se concentra sur sa respiration, trois minutes plus tard, il dormait.

 

 

 

_ C’est Heïyedahn frère Irius !

 

C’était un Aves Porter vieux et barbu qui s’adressait gravement à Rommor, il répétait encore et encore ces mots alors que la forêt du domaine Cabb brûlait, rendant l’air étouffant et le jour rouge comme l’enfer. Ils sortirent dans la plaine où l’étrange vaisseau s’était posé, un millier de guerriers à l’armure pourpre avancèrent, sortant de l’orée du bois en ignorant la fournaise.

 

A la pointe de cette armée, Rommor contemplait la plaine, où l’ennemi débarquait ; des extraterrestres hideux respirant la haine… Le feu brûlait Chandrila mais il brûlait aussi dans le cœur de son armée ; elle ne craignait pas le feu car elle était le feu.

 

Puis c’était le combat, les guerriers de feu affrontaient les extraterrestres au corps à corps ; la mêlée était furieuse mais les hommes du clan dansaient comme des derviches fous, et leur art était d’une pureté à l’image de ce que Rommor avait essayé d’atteindre toute sa vie dans la pratique des arts martiaux.

 

Mais un guerrier était plus habile, plus gracieux que les autres ; Rommor voulait s’en approcher pour contempler cette merveille, le connaître et lui parler. C’était un beau jeune homme au visage plein de noblesse, de grands yeux gris d’acier et une longue chevelue noire de jais ; il capta le regard de Rommor et son visage se déforma, empli d’une grande détresse alors qu’il lui hurlait :

 

_ PERE, DERRIERE VOUS !

 

 

 

Rommor s’éveilla, les yeux grand ouverts sur sa couchette, son corps tout entier fourmillait de cette énergie précédant la tension de l’action. En contrôlant sa respiration, il força son cœur à ralentir. Quelque chose ne tournait pas rond, essayant de saisir de quoi il s’agissait, Rommor se rendit compte de l’absence de bruit… Où était le garde de faction ? Il n’entendait même pas sa respiration.

 

Ils étaient trois, discrets, portant des bottes à semelles souples… Mais ils étaient excités, aussi leur respiration était-elle perceptible lorsqu’ils passèrent un à un la porte menant au bloc des cellules. Rommor Irius Cabb restait allongé, immobile, tentant de rassembler autant d’informations que possible sur les assaillants… Il n’y avait aucun doute, il était le seul prisonnier dans cette aile, la visite nocturne était donc pour lui.

 

Trois hommes, armement inconnu ; ils devraient passer en file indienne pour entrer dans la cellule ; où peut-être l’abattraient-ils depuis le couloir ? Non, ils devraient probablement maquiller ça en suicide, une pendaison, ou une tentative d’évasion, de grands classiques. Rommor fit rapidement le tour des armes à sa disposition, il enleva la taie de son oreiller et la roula pour s’en servir comme d’un garrot. La cellule était petite, pas vraiment idéale pour tendre une embuscade, mais les murs en étaient assez rapprochés. Uniquement vêtu d’un pantalon de pyjama, Rommor colla ses pieds contre le mur, se plaça en extension et prenant le garrot entre ses dents, entreprit de monter en silence jusqu’au plafond.

 

 

Jagger Page sortait de l’infirmerie où il avait eu une discussion animée avec son supérieur, le général Madine ; devant l’insistance de Page, ce dernier avait du admettre que certaines des allégations de Cabb et de son défenseur étaient fondées… Page était déçu, mais il composait avec, la guerre n’était pas faite pour les cœurs fragiles ; on tuait ou on était tué. L’officier des commandos retourna dans les quartiers assignés au contingent local des Specforces ; tout était calme à cette heure de la nuit.

 

Il remarqua rapidement que trois des gars de l’équipe de jour n’étaient pas dans leur lit, normalement il ne s’y serait pas particulièrement intéressé, n’étant qu’un invité… Mais dans le climat actuel, n’importe quel élément sortant de l’ordinaire prenait une allure suspecte. Page fit un saut à l’armurerie, les trois soldats avaient bien rendu leurs armes et émargé la main courante en fin de service, peut-être étaient ils simplement sortis en ville ? Ils risquaient de se prendre une soufflante magistrale à leur retour par l’officier de garde.

 

Le lieutenant retourna en salle de repos, ce fut un hasard, une simple négligence, qui l’arrêta devant un des casiers des trois soldats manquants, sa porte était entrouverte ; visiblement le propriétaire était si pressé qu’il avait négligé de s’assurer que son casier était correctement fermé. Page se maudit de nourrir de telles pensées, mais tant pis, il ouvrit la porte. Pendu sur un cintre, la veste protectrice camouflée, puis sur un autre, le harnais contenant le matériel de combat… Le couteau n’était plus dans son fourreau. Jagger Page sentit sa tension faire un bond, fouillant dans une de ses poches il en sortit un passe électronique et força les casiers des deux autres soldats, leurs couteaux aussi étaient manquants.

 

« Merde, Cabb ! »

 

Courant pour rejoindre un turbolift, l’officier imagina que le pire était déjà arrivé ; Madine avait déjà essayé de tuer Cabb, pourquoi ne recommencerait-il pas avant de comparaître demain ? A l’époque, la mort de cet officier impérial n’aurait pas arraché une larme à Jagger, mais aujourd’hui il n’était plus un soldat ennemi, et il s’était confié à leur garde… C’était un meurtre.

 

Lorsque Page déboula au sous-sol, il trouva le garde de faction en train de fumer un bâton de cendres dans le hall, il n’était pas à son poste ; lorsque le soldat vit débouler l’officier hors du Turbolift, son visage trahit ce que Page redoutait.

 

_ Abruti !

 

Il s’élança, arrachant littéralement le pistolet blaster du holster du garde et butta contre la porte du quartier des cellules, fermée.

 

_ Ouvrez-moi ça tout de suite !

 

En tremblant, le garde s’exécuta… Page alluma immédiatement les lumières du couloir,  et se précipita en avant, l’arme au poing.

 

 

C’était ce qu’on lui avait appris à l’entraînement, retenir sa vigueur et ses instincts agressifs jusqu’au moment idéal pour frapper, sauf que cette fois, la colère et la peur avaient atteint leur paroxysme chez Rommor Irius Cabb ; peut-être était-ce l’environnement carcéral et l’affrontement avec Madine qui ramenaient le spectre de Tarensk en cette nuit fatidique ?

 

Lorsque le premier homme pénétra la cellule, il poignarda la couchette à l’aveuglette,  le deuxième sicaire était juste derrière lui quand Rommor lui tomba sur le dos ; le garrot glissa sous sa gorge et fut serré si violemment alors que Rommor le redressait, qu’il lui brisa net les cervicales.

 

Le premier homme se retourna, poignard en avant et frappa, enfonçant l’arme dans le corps sans vie de son camarade ; un étau d’acier écrasa son poignet, maintenant son bras armé, alors que dans un claquement, le bras gauche de Rommor Irius Cabb avait jailli dans un éclair et écrasé son larynx.

 

Le dernier assassin ne voyait pas ce qui se passait dans la cellule, mais il savait que quelque chose ne tournait pas rond, pas un cri, juste des bruits étouffés de lutte.

 

Claquement, le linge de la taie d’oreiller, tendu, frappa comme un fouet la main du troisième agresseur ; dans un tintement sonore, son poignard de combat heurta le sol.

 

 

La lumière, crue et blessante, inonda le couloir du bloc de détention.

 

_ NE BOUGEZ PLUS !

 

Cabb se tenait debout dans le couloir, au dessus de la forme recroquevillée et tremblante d’un soldat au visage ensanglanté.

 

_ Tournez-vous ! Les mains sur la tête ! A genoux, maintenant !

 

Appuyant chacune de ses injonctions d’un geste du canon de son blaster, qu’il tenait fermement devant lui à deux mains, le lieutenant Page maîtrisa le prisonnier. Alors qu’il lui passait une ligature en plastique intelligent autour des mains, Jagger jeta un coup d’œil à l’intérieur de la cellule ; un homme dont la tête formait un angle peu naturel avec le reste de son corps, et un autre au visage à la teinte légèrement bleutée, les yeux exorbités… Tous deux, morts. Les assaillants avaient fait une erreur magistrale, l’avantage de leur nombre étant annulé par l’exiguïté du lieu… Et visiblement, la surprise n’avait pas été de leur côté.

 

Au vu du carnage que Cabb venait de faire, Page ne s’interrogeait plus sur ce qui avait cloché à Mantoooine, sept tueurs de cette trempe, ils en avaient affronté sept !

 

_ Vous allez m’abattre ?

 

Sa voix était d’un calme terrifiant alors qu’il demandait à l’officier si l’heure de sa mort était venue.

 

_ Non, c’est à la justice de décider ce qu’il adviendra de vous Cabb ; vous avez bien fait de laisser ce pauvre type en vie, il nous dira qui est derrière tout ça.

_ PAGE ATTENTION !

 

Le soldat survivant avait récupéré son arme, et se jetait sur l’officier rebelle ; Cabb se jeta sur le côté et lança sa jambe au bon moment, brisant la cheville d’appui de l’agresseur. Page réagit quasi simultanément, s’écartant alors que le poignard lui labourait l’avant-bras, le coup partit et frappa l’agresseur à l’abdomen. L’odeur d’ozone et de chair brûlée, typique des blessures de blaster envahit le couloir ; dans un gargouillis, l’homme au sol agonisait, les yeux révulsés.

 

_ Putain !

 

Page avait glissé le pistolet à sa ceinture, à présent il faisait pression sur son avant bras blessé qui saignait abondamment. Un soldat des Specforces, un camarade, venait d’essayer de le tuer… Mais où allait la galaxie ? C’était digne des impériaux, mais pas de l’Alliance ! les entrailles du blessé se relâchèrent, il était mort. Cabb se redressa, les mains attachées dans le dos, il s’appuya contre le mur.

 

_ Vous et moi savons très bien qui les a envoyés, Page.

_ On ne peut rien prouver, j’étais avec le général Madine à l’infirmerie ce soir, il n’a pas pu donner cet ordre.

_ On mettra ça sur le compte de leur haine viscérale pour l’oppresseur impérial, j’imagine.

_ Je n’en sais rien, je témoignerai ; on vous changera de lieu de détention, et vous aurez des gardes à votre porte.

_ Des gardes ? Comme celui qui faisait semblant de ne rien voir ? Merci, je suis rassuré. Je dois voir mon défenseur et arranger un nouveau détail de sécurité avec le général Cracken… Et vous, vous devriez aller montrer votre bras à un docteur.

 

Page hocha la tête, le garde fautif était au bureau à l’entrée, pâle comme un linge.

 

_ Ils ont dit qu’ils voulaient juste le bousculer un peu, je ne pouvais pas savoir mon lieutenant.

_ Fermez-là et appelez moi l’officier de garde, faites aussi prévenir le général Jinto, le général Cracken et le conseiller Koshyyr tant que vous y êtes. Vous avez salement merdé soldat.

 

L’homme s’exécuta rapidement.

  

 

Suite à l’attentat dont Rommor avait été victime, Koshyyr fit emménager son client dans un des appartements du Palais ; il pourrait ainsi y être réuni avec sa famille et bénéficierai aussi d’une garde rapprochée. Cracken avait eu du mal à accepter, mais devant les événements, et pour éviter que Cabb ne parle à la presse, il avait accrédité des membres du service de sécurité de l’intéressé à entrer dans le palais.

 

Heureusement, Rommor avait interdit à tous les membres de son personnel issus des forces impériales de l’accompagner sur Coruscant ; eût un béret rouge appris pour ce qui s’était déroulé dans les cellules du palais, qu’il aurait tiré à vue sur le moindre soldat de l’Alliance approchant son seigneur, sa dame ou leurs enfants. Les gardes du corps étaient issus du détachement de sécurité des bureaux de la JSC sur Coruscant, des gros bras peu commodes recrutés parmi ceux qui présentaient le mieux au sein des branches de Chandrila et Naboo du syndicat Tenloss.

 

Après avoir passé une robe de chambre, Moira Darksun-Cabb ouvrit la porte de l’appartement, tirée de son sommeil par la sonnerie silencieuse branchée sur son communicateur.

 

_ Trésor ?

 

Rommor entra, prit sa femme dans ses bras et l’entraîna dans la cuisine, derrière eux, trois gardes du corps prenaient position dans le salon alors que deux d’entre eux restaient à la porte, dans le couloir.

 

_ Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que tu fais là ?

_ Trois gars ont essayé de s’en prendre à moi au bloc de détention, Koshyyr a négocié un nouvel arrangement avec les juges.

_ Qui a fait ça ?

_ Je parierai sur Madine et Fey’Lya, mais aucun de leurs hommes n’est plus là pour en parler malheureusement.

 

Trois assassins, cela semblait un détail pour Rommor ; Moira n’était pas vraiment surprise, son défunt beau-père avait assez travaillé à en faire une arme vivante. Mais il ne fallait pas qu’il continue à vivre avec la certitude que cela composait un quotidien « normal » pour les Cabbs.

 

_ Mais est-ce que tu vas bien, toi ?

 

Alors que son épouse avait pris son visage entre ses mains, cherchant à capter son regard, Rommor saisit son inquiétude et dans la descente de l’adrénaline de la nuit, réalisa qu’il était passé encore une fois à deux doigts de la mort ; il en conçut une réelle lassitude, accentuée par la fatigue physique, et se prit à douter de la façon dont il gérait tout ça.

 

_ Ca ira mieux quand tout ça sera terminé et que nous serons rentrés chez nous mon amour.

_ Tu as faim ? Tu as soif ? Tu veux quelque chose ?

_ Non, ça ira, dormir en paix sera déjà un luxe.

_ Alors viens te coucher.

_ Les enfants vont bien ?

_ Oui, Amyel a fait un cauchemar tout à l’heure, raison pour laquelle j’ai aussi bonne mine, mais ils dorment à présent.

_ Je peux les voir ?

_ Ne les réveille pas.

 

Rommor entra sur la pointe des pieds dans la chambre des enfants, il déposa un baiser sur leurs fronts puis murmura pour lui-même.

 

«  Merci Amyel Barran. »

 

Demain, le règlement de comptes allait commencer.

 

 

_ Déclinez vos noms et qualité.

_ Crix Madine, général, commandant en chef des forces spéciales de l’Alliance.

 

Une tension palpable flottait dans la salle d’audience ce matin, la tension des morts de la nuit et l’attente de la révélation d’une histoire sordide. Madine évitait de regarder Rommor, qui le fixait impitoyablement comme si son regard avait pu creuser des sillons sanglants dans la chair de son ennemi.

 

De son côté, Borsk Fey’Lya était inquiet, il avait joué un coup dangereux la veille au soir et avait raté sa chance d’en finir définitivement avec Cabb. Le bothan savait qu’aujourd’hui n’allait pas être le jour de son triomphe, il devrait limiter les dégâts et revoir sa stratégie pour affaiblir Cabb autant que possible ; l’éliminer tant physiquement, que légalement à ce point était impossible.

 

Koshyyr laissa la gravité du moment s’installer puis se leva, droit comme la justice.

 

_GENERAL MADINE, QUE FAISIEZ VOUS AVANT DE REJOINDRE L’ALLIANCE REBELLE ?

_ J’étais officier dans l’armée impériale.

_ COMMANDIEZ VOUS UNE UNITE APPELLEE ALPHA A CETTE EPOQUE ?

_ Oui.

_ ALPHA ETAIT-ELLE UNE UNITE D’OPERATIONS SPECIALES UNIQUEMENT COMPOSEE DE CONDAMNES A PERPETUITE OU DE CONDAMNES A MORT ?

_ Oui.

_ ETES VOUS UN DES CONCEPTEURS DU PROGRAMME ALPHA ?

_ Oui, je suis l’un de ses concepteurs, c’était une opération de l’Ubiqtorat, les services de renseignement impériaux.

_ ROMMOR IRIUS CABB FAISAIT IL PARTIE D’ALPHA, SOUS LE NOM DE CODE RED?

_ Oui.

_ LES MEMBRES D’ALPHA ONT ILS ETE SELECTIONNES AU PENITENCIER MILITAIRE DE TARENSK ?

_ Oui.

_ PARLEZ NOUS DE LA SELECTION GENERAL, QUE FAISIEZ-VOUS FAIRE A CES HOMMES ET FEMMES ?

_ Nous évaluions leurs capacités combatives, leur résistance au stress et à la fatigue ainsi que leur instinct de survie.

_ DES MOTS CHOISIS AVEC SOIN, JE PENSE CEPENDANT QU’ILS NE DECRIVENT PAS AVEC PRECISION CE QUI SE PASSAIT A TARENSK ; FAISIEZ-VOUS COMBATTRE CES DETENUS A MORT ?

_ Oui.

 

Les yeux de l’amiral Ackbar firent un tour complet, puis il se refusa à regarder le témoin plus longtemps ; Leia Organa était pâle, luttant contre la nausée ; Cracken avait les lèvres serrées lui, mais il savait que ce n’était pas fini.

 

_ LE TRAITEMENT INFLIGE AUX PRISONNIERS INCLUAIT IL L’INFLICTION DE BLESSURE SEVERES ET DES PERIODES DE PRIVATION SENSORIELLE DANS DES CUVES A BACTA GENERAL ?

_ Cela a pu arriver.

_ OUI OU NON GENERAL ?

_ Oui !

_ LA FIN DU CONDITIONNEMENT ALPHA CONSISTAIT-IL EN L’ECRASEMENT DE LA PERSONNALITE DU SUJET AVEC UNE NOUVELLE, AINSI QUE LA MODIFICATION DE SON ASPECT PHYSIQUE PAR LA CHIRURGIE ?

_ Oui.

_ DIRIEZ-VOUS GENERAL, QUE LES COMMANDOS ALPHA ETAIENT CONSIDERES COMME UNE UNITE SACRIFIABLE ?

_ Oui.

_ UN COMMANDO SUICIDE EN QUELQUE SORTE ?

_ Oui.

_ GENERAL MADINE, Y A T IL QUELQUE CHOSE QUE VOUS SOUHAITERIEZ DIRE A MON CLIENT ET A CETTE COUR ?

 

Ce ‘était pas une exigence de la part de Koshyyr, ni une humiliation ; c’était un être doux qui malgré toute l’horreur que lui inspirait ce qu’il avait appris sur les pratiques de Madine dans l’armée impériale, ne souhaitait qu’une chose : guérir les blessures du passé. Il tendait une main rédemptrice et espérait, tant pour Madine que pour Cabb, que le témoin allait la saisir.

 

Fey’Lya jeta un regard plein de fureur à Madine, lui intimant en silence de se taire ; et ce qu’il lut dans les yeux du général lui déplaisait au plus haut point… Ces humains n’étaient tout simplement pas des créatures fiables. Madine soupira, puis se décida enfin à affronter le regard de Rommor.

 

_ Rommor, je suis désolé pour tout ça… C’est l’Ubiqtorat qui a proposé votre nom pour le programme, je l’aurai refusé, mais votre père a donné son accord ; il n’y a vraiment rien que j’aurai pu faire.

 

Il attendit, voyant bien que quelque chose se passait derrière les yeux de Rommor Irius Cabb ; ce silence dura une éternité.

 

Ca y est, Rommor avait enfin l’explication qu’il attendait depuis si longtemps, et étrangement… Elle ne le choquait pas ; c’était parfaitement logique quand on connaissait son père, plutôt que laisser son fils moisir en prison, ce qui aurait été tant un déshonneur que du gâchis, il l’avait recommandé pour un programme de recyclage, pour que quoi qu’il arrive, il trouve au moins la mort au combat, en Cabb. Il est probable que dans la tête du connétable, ce geste ait été une faveur ; et rétrospectivement, il jetait une lumière nouvelle sur la personnalité de Crix Madine, il n’était certes pas un héros, comme la plupart des soldats de cette guerre, mais il n’était pas non plus, un ennemi. Madine avait été exposé comme un lâche, c’était suffisant ; la sagesse, l’amour de sa femme et de ses enfants, commandaient à Rommor de s’arrêter là.

 

_ Votre honneur, puis-je répondre au témoin ?

_ Allez-y monsieur Cabb.

_ Crix… Je vous pardonne.

 

La poitrine de Koshyyr se gonfla , et il adressa un lent hochement de tête approbateur à son client.

 

_ LA DEFENSE N’A PLUS DE QUESTIONS.

 

Fey’Lya resta un moment sans voix, jetant des regards cyniques aux juges, puis il se leva.

 

_ C’était vraiment très émouvant, j’aurai peur de gâcher un moment pareil… L’accusation n’a pas de questions.

 

Il se rassit en secouant la tête, blasé. Cracken ne releva pas le sarcasme de Fey’Lya, mais échangea un regard avec le Défenseur, le remerciant silencieusement de la retenue dont il avait fait preuve.

 

_ La séance est levée.

 

Borsk Fey’Lya quitta la salle le premier, son bloc de donnée sous le bras ; il avait encore une belle liste de témoins pour attaquer Cabb sur l’aspect illégal de certaines de ses activités, débutées durant son service dans les renseignements impériaux… Le seul soucis pratique serait de présenter la chose comme si elle pouvait étayer le chef d’accusation de crimes de guerre ; démolir l’image de Cabb pour minimiser la menace politique qu’il représentait, c’était tout ce qu’il pouvait faire pour l’instant. Il fallait que son réseau ramène d’autres informations, d’autres témoins ; il fallait qu’il trouve un autre défaut à la cuirasse du rejeton de Mon Mothma, le point sur lequel faire pression pour le briser.

 

«  Tu as remporté cette bataille humain, mais certainement pas la guerre. »

 

Créé le mercredi 3 octobre 2007 à 19h33 par Guinch & mis à jour le mercredi 20 mars 2013 à 14h06