Rommor Ep23

L’air était frais et au goût métallique, les rangées de sièges confortables et bien ordonnées étaient, elles, quasiment vides. Assis dans la lumière crue des plafonniers, le capitaine de frégate Redd fit défiler une autre page des rapports préliminaires que le central des opérations lui avaient transmis.

Puis la lumière s’éteignit dans un tremblement sinistre, les lumières rouges prirent le pas alors que les sas du compartiment venaient de se sceller, sauvant le capitaine Redd d’une mort certaine alors que la tourelle de poupe venait d’être désintégrée, ouvrant le vaisseau sur l’espace et le vidant de son air.

La navette faisait des évolutions aussi courtes que possibles, le pilote connaissait son métier ; il fallait qu’il coupe les trajectoires des chasseurs le harcelant sans pour autant déstabiliser de trop ses artilleurs.

Seul dans le compartiment plongé dans une demi obscurité, l’officier supérieur maudit le système de gravité artificielle du vaisseau en massant une bosse sur son front, puis en désespoir de cause il entama les manœuvres devant lui permettre d’enfiler une combinaison de survie… Il ne pouvait absolument rien faire d’autre.

«l’Espace est vaste, on y perd facilement une navette de classe Lambda…Quelle tragédie.»

Depuis le pont du destroyer Principauté, l’amiral Harkov savourait le spectacle lumineux que lui offraient ses intercepteurs TIE dans le lointain ; l’espion de l’Empereur n’arriverait jamais jusqu’à lui.

Les déflecteurs n’allaient pas tarder à lâcher définitivement et la tourelle arrière ne répondait plus… Le major Durnin soupira sous son casque et entama un autre virage sur aile, son copilote gisait la tête pendant sur la poitrine, se vidant de son sang à gros bouillons… La console technique bâbord avait explosé sous une surcharge, son grand cadrant se changeant en une volée de petits projectiles mortels dont un s’était fiché dans le cou d’Armel Jezzen, vingt-sept ans. Durnin sentait la douleur lui cisailler l’épaule, sa combinaison était déchirée, il espérait donc mourir dans l’explosion finale des cellules énergétiques de son appareil plutôt que d’asphyxier.
La porte coulissa dans un sifflement et un autre homme en combinaison noire se faufila jusqu’au poste de pilotage, ce n’était sûrement pas un des artilleurs d’aile ; avec prudence le nouveau venu détacha le lieutenant Jezzen de sa sangle et le laissa glisser sans émotion au sol, puis il s’installa dans le siège maculé de sang, essayant de nettoyer les instruments avec son gant.

Les deux TIE allaient entamer ce qui serait sans nul doute la dernière passe, les canons bitubes sur les sabords d’aile de la Lambda venaient brutalement de se taire, comme sil ils avaient compris que tout cela était inévitable, l’ordinateur de visée estima que les déflecteurs de la cible venaient eux aussi de tomber à zéro.
Le pilote de chasse manœuvra son agile appareil et posa ses pouces sur les commandes de tir. Le réticule de visée s’aligna sur la cible et… Dans un flash aveuglant de ses réacteurs sub-luminiques, la navette fit un bond désespéré, passant la barre de l’hyperespace.

Nous allons mourir à coup sûr.

Le calcul d’astrogation de Rommor avait été fait dans l’urgence et à base de données figurant dans les rapports Ubiqtorat, lesquels dataient à présent de cinq jours… Un vaisseau peut parcourir de très grandes distances en cinq jours, le destroyer serait-il au rendez-vous ?
La navette sortit d’hyperespace assez rapidement, les instruments n’affichaient rien de réjouissant, en bipassant la sécurité de l’hyperdrive, l’astrogateur avait fait sauter plusieurs des relais de distribution de l’énergie… Bref la luxueuse navette n’était plus qu’une épave à présent.

«J’aurai préféré exploser bien proprement vous savez.»

Les deux hommes en casque se firent face, le même masque sinistre et sans émotions sur le visage…Puis ils retournèrent sans un mot à leur contemplation des étoiles.

«Les communications ?»

Le pilote secoua la tête après une vérification réflexe sur son tableau de bord.

«Bon il faut se mettre au boulot, j’ai un transmetteur codé fait pour se servir des relais holo-net de la flotte, si le Hérault est toujours dans les parages il devrait recevoir notre SOS.»

Le pilote frappa du poing sur le communicateur inerte, puis il saisit un kit de secours pour thermosouder la faille dans sa combinaison.

«Qu’est-ce qui vous fait penser que le Hérault ne nous tirera pas dessus lui non plus ?»

Son interlocuteur se mit en peine d’ouvrir manuellement le sas menant au compartiment passager, répondant entre deux souffles.

«Vous n’avez jamais rencontré son capitaine, moi si.»

Le pont du destroyer de sa majesté Hérault, vaisseau amiral de la cinquante septième escadre de croiseurs rattachée à la flotte sectorielle de Ploorius était calme ; le géant était aux aguets, guettant le moindre renseignement électronique qui lui parviendrait car il y avait là dehors tout le reste d’une flotte sectorielle, laquelle en voulait au Hérault et aux quatre bâtiments formant son escadre.

«Commodore, nous recevons une transmission via holo-net… C’est très inhabituel monsieur, texte seulement.»

Le commandant de la cinquante septième escadre fit quelques pas, contrairement à beaucoup d’officiers supérieurs de la flotte, il n’hésitait jamais à descendre dans les puits d’opération pour vérifier lui-même ce qu’il s’y passait.  De sa voix modulée et empreinte de calme il demanda à l’opérateur de mettre la transmission à l’écran.

VOUS AVIEZ RAISON, JE N’AURAI PAS DU JETTER MON DEVOLU SUR LA DANSEUSE PREFEREE DE L’EMPEREUR X1333.2045.0032 Y2530.3001.0007 Z0012.0320.0050

«Des coordonnées d’astrogation… Notre position lors du dernier contact avec l’amirauté via l’Holo-net si je ne m’abuse. Envoyez donc une navette d’assaut sur place,  je serai dans mes quartiers… Second à vous le quart.»

Le Commodore Thrawn se retira en esquissant un sourire d’intérêt devant cette nouvelle énigme.

Créé le dimanche 3 juin 2007 à 0h00 par Guinch & mis à jour le mercredi 20 mars 2013 à 14h06