Rommor Ep31

La carcasse brisée du croiseur Glaive entrait lentement dans le chenal menant aux bassins de carénage de la base navale de Bilbringi. Le remorqueur poussait à présent avec précaution l’épave, c’était une manœuvre très délicate et les rayons tracteurs des docks spatiaux ne pouvaient pas aider de beaucoup pour un tel tonnage.

Sur le pont du Tonnerre, le remorqueur, le capitaine Cabb regardait son navire meurtri se diriger lentement vers le bassin où il serait finalement débité en simples morceaux de ferraille et pièces détachées. Le capitaine du Tonnerre était habile et son œil estimait avec une précision diabolique les distances relatives, un spationaute d’exception dont le navire partait toujours quel que soient les conditions de navigation ou les dangers des zones de combat, le temps était vital pour les spationautes en détresse.

Mais Rommor n’était pas le seul à observer la manœuvre, sur le bras d’amarrage N°12, une foule d’hommes et femmes en uniformes regardait, avec un silence terrible, le Glaive être amené jusqu’à sa dernière demeure. Quelques murmures filtraient parfois.

«Ce n’est plus un navire, c’est un cercueil.»

Rapatriés dès que les équipes de maintenance avaient pu remettre en ligne l’hyperdrive auxiliaire du Protecteur, les survivants du Glaive avaient attendu avec une certaine anxiété le retour de leur navire… et celui des corps de leurs camarades.

La manœuvre dura deux heures, finalement les filets de sécurité se refermèrent autour du bassin ; ils empêcheraient que toute pièce, aussi microscopique soit elle, ne soit éjectée durant les opérations de désarmement. Dans l’espace, le danger était omniprésent, surtout dans une zone de trafic aussi dense que celle de la base navale de Bilbringi.

Le Tonnerre alla enfin s’amarrer au quai numéro 12, les nombreux spationautes se rangèrent le long du quai avec discipline, laissant un passage pour les gars du Tonnerre et les sinistres sacs jaunes. Tout du long, Rommor resta dans ses quartiers, finalement un fusilier vînt le chercher.

«Capitaine, le déchargement est presque terminé, si vous voulez bien débarquer.»

Il se leva, mit en place d’un geste sévère sa casquette et se dirigea vers l’ombilical ; lorsque le dernier de ses membres d’équipage fut enfin débarqué, il quitta le bord du Tonnerre à sa suite.

Un coup de sifflet retentit et une voix féminine ordonna le garde à vous, dans un bruit unique de bottes claquant les unes contre les autres, les deux haies de spationautes impériaux saluèrent le retour du « vieux » comme ils surnommaient maintenant leur jeune commandant. Rommor eu du mal à déglutir mais saisit tout de même l’enveloppe dans la poche de sa veste, assurant sa voix, il lut son contenu dont il avait déjà pris connaissance.

«Pour sa majesté Palpatine 1er, souverain de l’empire galactique. Sur ordre de l’amiral Ozzel, force de réaction rapide de la marine impériale : suite à avaries subies au combat, le vaisseau de sa majesté Glaive est déclaré inapte au service et doit être ramené aux chantiers spatiaux de Bilbringi pour désarmement.»

La pause était nécessaire, tous devaient encaisser la nouvelle, bien que prévisible il y avait un moment où la condamnation devait tomber… Plus que leurs compagnons, c’était leur esprit qui mourrait avec leur navire. Rommor reprit, voulant en finir au plus vite avec ce pénible moment.

«Le personnel du Glaive sera mis à disposition de l’amirauté dès retrait de la plaque d’immatriculation du navire. Une commission d’enquête statuera sur les conditions ayant menées à la perte du navire.»

Rommor replia les ordres et les glissa dans sa poche, puis il jeta un dernier regard circulaire à ses hommes et conclut.

«Vous avez la gratitude de sa majesté pour le service que vous avez rendu à l’empire, rompez les rangs!»

Le sifflet retentit une dernière fois, signifiant la fin du déploiement… l’Equipage se dispersa lentement, comme à regrets ou bien comme s’il ne réalisait que difficilement la fin du cauchemar. Rommor alla retrouver Mona Gillis, qui attendait en tête.

«Comment vas ton bras ?»

Elle eu un début de sourire, très forcé et bougea son bras gauche de façon imperceptible mais avec un effort douloureux.

«Je n’arrive pas à m’y faire.»

Rommor acquiesça, les prothèses cybernétiques ne remplaçaient jamais vraiment un membre perdu ; Mona avait eu de la chance que le second CIC n’ait pas été dépressurisé à l’impact, avec son hémorragie elle n’aurait pas survécu… Comme Cardin, le navigateur avait eu les entrailles vidées hors de sa combinaison, une blessure non létale au shrapnel mais qui à cause d’un trou dans la coque avait changé la passerelle en enfer sanglant.

Une patrouille de fusiliers approcha, sûrement pour escorter Rommor devant la commission d’enquête de l’amirauté.

«Il est temps d’aller voir de quoi l’avenir sera fait, à bientôt Mona.»

Il leur emboîta le pas et disparut dans une coursive.

MINUTES DE LA COMMISSION D’ENQUETE DE L’AMIRAUTE CONCERNANT LA PERTE DU CROISEUR DE CLASSE INTERVENTION « GLAIVE ».

EST ENTENDU LE CAPITAINE DE VAISSEAU CABB – COMMANDANT DU CROISEUR DE CLASSE INTERVENTION « GLAIVE ».

COMPOSITION DE LA COMMISSION :
AMIRAL OZZEL – PRESIDENT
VICE AMIRAL SOLON – CONSTRUCTION NAVALE
COMMODORE RANSOM – PERSONNEL NAVAL
CAPITAINE DE VAISSEAU CARVON – CONSEIL TACTIQUE
CAPITAINE DE VAISSEAU NEMROD – CONSEIL JURIDIQUE
M. ILLNIK – COMMISSAIRE POLITIQUE COMPORN

Cabb : Capitaine de vaisseau Rommor Irius Cabb, de la marine impériale, au rapport.
Ozzel : Asseyez-vous capitaine, vous savez pourquoi vous êtes ici n’est-ce pas ?
Cabb : Oui monsieur.
Ozzel : Concis je vois, bien commençons.
Ransom : J’ai un problème capitaine, voyez-vous, selon le rôle d’équipage du Glaive vous n’êtes pas commandant de ce vaisseau.
Cabb : J’ai assumé le commandement du Glaive suite au décès du capitaine de vaisseau Armando Vassard et sur ordre direct du seigneur Vador, tout ceci est consigné sur le livre de bord.
Carvon : Votre premier commandement ?
Cabb : Affirmatif.
Ozzel : Passons à vos ordres de mission, que faisiez-vous dans le système Sepan capitaine ?
Cabb : Dispositif de reconnaissance avancée pour la force de frappe rattachée au destroyer Vengeur, monsieur.
Nemrod : C’est un peu loin de la zone des combats non ?
Cabb : Il s’agissait du précédent commandement de l’ex amiral Harkov monsieur, les rapports des renseignements impériaux laissaient à penser que ce serait son couloir de retraite privilégié.
Ozzel : Disposiez-vous de renseignements que la marine ignorait capitaine Cabb ?
Cabb : Oui monsieur, j’avais pour ordre original de rejoindre la flotte sectorielle Ploorius en tant qu’officier de liaison des renseignements impériaux.
Ransom : Alors je vous pose la question capitaine Cabb, à quel service appartenez-vous ? Le renseignement ? La Marine ?
Cabb : Je suis au service de sa majesté, monsieur.
Ransom : Un jour espion, un jour spationaute… Vous ne craignez pas de manquer de qualifications dans un domaine spécifique à force de passer de l’un à l’autre ?
Cabb : Je me fie au jugement de mes supérieurs, monsieur.
Solon : J’aimerai revoir l’engagement à partir du premier contact entre le Glaive et le Protecteur.
Ozzel : allez-y amiral.
Solon : Premier contact, votre opérateur senseurs repère la signature énergétique d’un passage en hyperespace, après recoupement vous identifiez pour la première fois le destroyer de classe victoire « Protecteur », exact ?
Cabb : Exact monsieur, toujours sur la base des rapports des renseignements impériaux, le Protecteur était l’ancien vaisseau amiral du traître Harkov.
Nemrod : Et comment étiez-vous sûr qu’il s’agissait d’un navire insurgé capitaine Cabb ?
Cabb : Avant de quitter sa zone de patrouille, le Protecteur aurait du fournir au QG sectoriel de Sepan son plan de vol ; il n’y a aucune trace de celui-ci sur l’holo-net naval.
Ransom : Donc c’est une déduction chanceuse, on pourrait même dire une intuition qui vous a conduite à préparer l’interception du Protecteur.
Cabb : Non monsieur, le Protecteur a été formellement identifié par une de nos sondes, il était au contact de vaisseaux insurgés à la suite de son départ du système Sepan.
Nemrod : Et il vous semblait logique qu’il retourne à Sepan par la suite ?
Cabb : Oui monsieur, il est probable que les contacts initiaux entre l’alliance rebelle et l’ex-amiral Harkov aient eu lieu à Sepan, c’était dès lors l’endroit de choix pour mettre en place son extraction.
Ilnik : Recommanderiez-vous que des investigations sur la loyauté politique du système Sepan soient menées capitaine ?
Cabb : Non monsieur, il ne faudrait pas brûler le fil qui mène peut-être à la tête de la rébellion.
Ozzel : Ce ne sont là les prérogatives de cette commission, revenons à l’engagement entre le Glaive et le Protecteur.
Carvon : Sous quelles règles d’engagement opériez-vous capitaine ?
Cabb : Tout vaisseau ne répondant pas aux injonctions doit être considéré comme étant passé à l’ennemi, tout vaisseau ennemi doit être neutralisé.
Ransom : Vous avez bien hélé le Protecteur à son retour dans le système Sepan ? Vous rendiez-vous compte que vous perdiez alors l’avantage de la surprise ?
Cabb : J’ai effectivement ordonné au Protecteur de stopper ses machines et baisser ses déflecteurs, son refus d’obtempérer confirmant dès lors son passage à l’ennemi.
Solon : A la vue des enregistrements, je dirai que vous avez manœuvré pour provoquer une collision dès le début de l’engagement, est-ce exact capitaine ?
Cabb : C’est exact, monsieur ; cette option tactique a été choisie lors du briefing précédent l’engagement.
Ransom : Aucun des officiers de votre staff n’a élevé d’objection ?
Cabb : Il y avait de réserves, surtout de la part du médecin chef mais un navire de guerre n’est pas une démocratie.
Ransom : Le commandant d’un navire est le seul maître à bord, mais aussi le seul responsable pour la perte de son bâtiment.
Cabb : Considérez la supériorité d’un destroyer de classe Victoire block-II sur un croiseur d’intervention, dans l’état des choses et avec pour mission d’arrêter le Protecteur, la collision volontaire restait notre meilleure option.
Ransom : Vraiment ? Un bâtiment détruit, je ne parle même pas des pertes dans l’équipage.
Cabb : Tout notre complément embarqué de chasseurs et navettes avait été déployé, nos hommes regroupés dans les sections non critiques à la poupe du bâtiment, ces mesures ont significativement limité le nombre de victimes lors de la collision.
Ransom : Mille cent soixante sept morts dans votre équipage, ce nombre vous paraît il limité capitaine ?
Cabb : Le fait de l’échange de tirs avec le Protecteur surtout, je vous prie de vous souvenir que c’était une bataille, pas un accident de navigation.
Solon : Le contexte est assez clairement établi je pense, amiral Ozzel ?
Ozzel : C’était une décision peu conventionnelle au vu de la doctrine tactique de la flotte, mais cette doctrine ne couvre pas le fait que nos capitaines doivent faire face à nos meilleurs bâtiments et à nos propres officiers.
Ilnik : Capitaine, je pense refléter l’opinion du Comporn en disant que je trouve votre détermination dans l’accomplissement de votre devoir exemplaire.
Cabb : Je n’ai fait que donner l’ordre, ce qui est exemplaire c’est que mes subordonnés l’aient suivi.
Ozzel : Merci capitaine, la commission va délibérer à présent, nous vous tiendrons informé de nos conclusions aussi veuillez rester à notre disposition.

FIN D’ENREGISTREMENT.

A sa sortie, Porter l’attendait dans son uniforme impeccable, il le salua, s’adaptant comme toujours à l’humeur qu’il devinait chez son commandant.

«J’ai installé vos effets personnels dans vos nouveaux quartiers monsieur.»

«Merci Abes, des messages?»

L’intendant vérifia son bloc de données.

«Le vice-amiral Solon vous informe que la plaque d’immatriculation du Glaive sera enlevée ce soir à dix-neuf zéro-zéro. Le commissaire Ilnik souhaite vous entretenir en privé au club des officiers, horaire à votre convenance. L’adjudant chef Ditrii vous invite demain à zéro-sept zéro-zéro  pour une séance de sparring au gymnase des fusiliers.»

Le regard de Rommor était explicite pour son intendant, il secoua doucement la tête et répondit à regret.

«Aucune nouvelle de madame le capitaine, monsieur.»

Ils commencèrent alors à cheminer vers le quartier des officiers supérieurs ; ses mains gantées de noir croisées dans le dos, et marchant à deux pas devant son intendant, Rommor Irius Cabb ruminait ses idées sombres.

«Il est étrange de constater combien nos rêves paraissent futiles une fois comparés au prix qu'il a fallut payer pour pouvoir les réaliser.»

Créé le dimanche 3 juin 2007 à 0h26 par Guinch & mis à jour le mercredi 20 mars 2013 à 14h06