Rommor Ep61

 

_ Silence !

 

La salle de réunion était un chaos indescriptible, personnes debout, hurlant plus qu’elles ne discutaient… Il y avait bien au moins deux officiers supérieurs en grade à Rommor, dont le commandant de la base. Tout le monde s’était tu, la réputation de « chien de garde » du régime que le jeune officier avait charrié avec lui au long de sa carrière servait enfin à quelque chose.

 

_ Vous êtes inquiets ? Imaginez alors ce que ressentent tous vos subordonnés, et leurs familles ! Nous sommes ceux vers qui ils se tournent à présent, alors comportons-nous comme la situation l’exige ! Les officiers généraux et leurs premiers officiers prennent les sièges, les autres, un peu de patience, mon exposé sera bref.

 

Rommor s’approcha de la console holographique et implanta le cristal de données qu’il avait préparé en route pour Bilbringi. Par égard pour son rang, il se tourna vers le vice amiral Solon, lui demandant sa permission de poursuivre, celui-ci lui signifia son accord d’un grave signe de tête.

 

_ Situation : Il y a cinq jours, la station de combat Etoile Noire a été détruite, le vaisseau amiral Executeur et un nombre encore non confirmé d’autres bâtiments ont aussi été perdus durant une bataille contre la flotte rebelle en orbite de la lune d’Endor. L’Empereur et le Seigneur Vador sont morts, nous avons battu en retraite.

 

Pas de réaction, tous savaient ; un message flash en provenance du destroyer Chimaera avait averti toutes les unités militaires impériales de la défaite, mais le pire était ce qui avait suivi… Soit un grand nombre d’ordres contradictoires. Paralysé, l’Empire en était à présent à se désagréger, s’émiettant en petites enclaves autour des commandements sectoriels. L’amirauté n’avait plus aucun contrôle, les commandants n’avaient qu’une foule de scandocs alarmants sur lesquels s’appuyer pour prendre leurs décisions. La nouvelle, se répandant parmi la troupe, soulevait déjà des velléités de désertion.

 

Rommor présenta une carte de la situation stratégique sur le projecteur.

 

_ Voici Endor, en rouge sont mises en évidence les routes hyperspatiales les plus probables, que chaque unité, individuellement identifiée selon nos listes les plus récentes, prendra pour se rendre à son port d’attache. Une fois ces points de retraite atteints, nos commandants auront trois solutions : rallier Coruscant, regagner leur secteur d’attache ou bien laisser leurs vaisseaux à quai et partir où bon leur chante.

 

Tous y pensaient, des émeutes allaient éclater partout, les rebelles sortaient de leur trou à présent… Les familles des officiers, dignitaires, même de simples soldats étaient en danger. Mais un homme seul ne pouvait mettre les siens à l’abri.

 

_ Ne pensez même pas à la troisième option, les troupes de choc ont des ordres spéciaux à cet effet, ils tueraient tous ceux qui essaieront de déserter. Organiser une résistance autour de Coruscant est inutile, le système est déjà sous la garde de l’amiral Grammel, une flotte sectorielle et un super-destroyer n’ont pas besoin de plus de vaisseaux. Non, ce qui est vital, c’est de sécurises nos centres d’approvisionnement et de maintenance ; notre priorité numéro un est la protection des chantiers navals… Notre priorité numéro deux, la protection de notre réseau de communications. Nous devons rallier autant que possible des vaisseaux battant en retraite à cet effet.

 

Le contre amiral Klein toussa, attirant l’attention de son jeune collègue.

 

_ C’est un plan tout à fait raisonnable commodore Cabb, et j’y adhère… Mais sous quelle autorité parviendrons nous à court-circuiter les ordres d’un Moff ou d’un QG sectoriel pour détourner ces fameux renforts ?

 

C’était là tout le problème en effet, l’Empire était un système ne pouvant pas fonctionner sans chef suprême… Et beaucoup d’individus allaient convoiter la place à présent que même Vador n’était plus en ligne pour la succession.

 

_ Un commandant impérial dispose de deux lignes directrices, la première repose sur les scandocs du renseignement, la seconde est incarnée par les commissaires politiques du COMPORN avec l’appui des troupes de choc. Le renseignement fonctionne toujours, ce qu’il nous faut, c’est l’appui du COMPORN.

 

_ Commodore, le COMPORN a déjà réagi et mal… Il appelle à s’unifier autour du Lord Protecteur, votre père, qui organise la résistance à Coruscant.

 

Rommor prit une grande inspiration, son visage pâle se colora sous l’afflux du sang, ses yeux se firent très durs, comme lançant des éclairs ; d’une voix à peine plus forte, mais beaucoup plus tendue, il répondit.

 

_ Messieurs dames, si je le pouvais je rejoindrai mon père à Coruscant sur le champ ; mais il est le Lord Protecteur d’un Empereur mort, et son autorité sur la marine est par conséquent, nulle. Mon devoir, VOTRE devoir, est de préserver les ressources de l’Empire jusqu’à ce que nous puissions nous réorganiser. Ce que je ferai en tant que fils et vassal du seigneur Cabb par la suite ne regarde que moi. Pour l’instant, nous devrons faire appel au bon sens des commandants à la barre des vaisseaux que nous croiserons, nous n’avons pas le temps de mener une campagne de lobbyiste auprès du parti.

 

Ce fut au tour de Benquist de prendre la parole.

 

_ En toute honnêteté, est-ce que vous pensez que cette réorganisation rationnelle arrivera un jour monsieur ?

 

Ce n’était pas vraiment le moment de soulever la question, car non, Rommor n’y croyait plus. Le seul homme qui aurait eu l’envergure pour cette tâche était absent, hors de portée… Et il reviendrait bien trop tard, s’il revenait un jour. Alors à quoi bon faire son devoir ? Le commandant de la cinquante septième escadre dévisagea ses collègues, tous dans l’expectative.

 

_ L’amirauté est silencieuse, c’est une situation que nous n’avions pas prévue… Que devrions nous faire ? Pourquoi ? Je vais vous le dire. Seul un groupe en position de force est à même de négocier ; de ce chaos, j’espère que comme moi vous désirez voir surgir la paix. Négocier avec les rebelles, je sais que cela révulse la majorité d’entre vous, mais ne nous leurrons pas, leurs leaders sont les seuls aujourd’hui à avoir l’envergure politique nécessaire pour s’imposer légitimement sur la scène galactique. Vous voulez une vérité qui fait mal ? Nous avons perdu, et par là j’entends que nous avons perdu la guerre, l’Empire tel que l’Empereur le voyait, est mort.

 

Ce fut le tollé, braillements furieux, grands gestes ; Rommor tînt bon, toujours debout sans faire de geste d’apaisement, l’air farouche pour défier tout fauteur de troubles de l’affronter individuellement. La rumeur enfla, puis retomba.

 

_ La cinquante septième escadre partira sur les points de rendez-vous suivants, nous essaierons de rallier autant de vaisseaux que possible ; une fois nos acquis sécurisés, nous serons à même de mener une action constructive. A ceux qui voudraient se joindre à moi, je peux promettre l’immunité ainsi qu’assurer l’évacuation de vos familles vers un territoire neutre. A ceux tentés de faire cavalier seul, je rappelle juste ceci : vos hommes ont des familles, il faut les nourrir et les payer, vos vaisseaux ont besoin d’un entretient et d’un approvisionnement très coûteux ; bref, il n’y a pas de salut en dehors d’une structure solide politiquement et financièrement ; pas d’armée sans Etat. Les ordres ne viendront plus, et la paye ne tardera pas à suivre le même chemin.

 

_ Vous voulez négocier avec les rebelles ? Et les centaines de troupes de choc à bord de vos navires commodore, que vont-elles en penser à votre avis ?

 

Rommor appuya solidement les mains sur ses hanches, dévisageant le commandant qui l’avait apostrophé.

 

_ Je sais que mes équipages sont avec moi parce que je prends soin d’eux ; quant aux troupes de choc, je les mènerai personnellement jusqu’à Coruscant où j’ai bien l’intention de me rendre dès notre mission accomplie. Messieurs dames, j’ai dit ce que j’avais à dire ; bonne chance à tous et à toutes.

 

Tous les commandants et officiers de la cinquante septième escadre se rangèrent derrière leur commandant, et quittèrent la pièce en silence après que Rommor ait salué le vice-amiral Solon et le contre amiral Klein. Au bout d’une dizaine de mètres parcourus sur la promenade, le bruit des pas d’un groupe de gens fit s’arrêter et se retourner les officiers de la cinquante septième ; le contre-amiral Klein et ses officiers les rejoignirent.

 

_ Commodore ! Je ne vous promet rien pour la suite, mais en attendant, les vaisseaux de la treizième escadre vous accompagneront pour couvrir un maximum de ces points de rendez-vous.

_ Merci amiral.

 

Rommor rentra à bord du Grey Wolf où une communication holonet navale l’attendait ; il n’avait pas vu Moira depuis bientôt trois mois et dans l’état actuel des choses, ne savait pas quand il pourrait la revoir… Pour ne pas dire si il les reverraient, elle, Amyel et Deseanna. Fermant la porte de la chambre de commandement derrière lui, Rommor fit face à la projection grandeur nature de sa femme… Sa main s’attarda un peu sur le contour de son visage gracieux, s’y fondant parfois, puis il activa enfin son émetteur.

 

_ Moira, tu m’entends ?

_ On te reçoit horriblement mal ici… Et je n’aime pas vraiment devoir venir dans une base impériale pour pouvoir parler à mon mari ; Trésor, qu’est-ce qui se passe là où tu es ? Pourquoi n’es-tu pas encore rentré à la maison ?

 

Moira connaissait déjà sûrement la nouvelle, mais sur une fréquence impériale, elle n’allait pas laisser suggérer qu’elle ait accès à des informations que seuls des sympathisants rebelles pouvaient avoir.

 

_ C’est la pagaille, l’Empereur est mort, le commandement est en déliquescence… Je fais mon possible ici pour que la transition se fasse en douceur. Je ne serai pas à la maison avant au moins trois à quatre semaines supplémentaires.

_ Quoi ?!

_ Je dois passer sur Coruscant chercher mon père.

 

Même sur l’hologramme, le visage de Moira se décomposa subitement, elle savait que le prochain grand affrontement entre l’Empire et l’Alliance se passerait à la capitale, c’était une question de semaines, tout au plus de mois.

 

_ Rommor, ne fait pas ça.

_ C’est mon père amour, je ne peux pas le laisser, je n’en ai pas la force… Je n’ai déjà pas pu…

 

Il s’arrêta, il n’allait pas parler d’une tentative d’assassinat avortée contre l’Empereur sur une fréquence militaire.

 

_ Rentre à la maison, il n’y a rien à faire, ton père n’abandonnera jamais, tu le sais bien… Il est entêté tout comme toi, sauf qu’il n’a plus rien à perdre, admettre qu’il a eu tort toutes ces années le briserait, il préfèrera mourir plutôt que rendre les armes.

_ Je sais.

_ Tu veux te faire tuer ? Tu veux nous abandonner les enfants et moi ?

_ Jamais, mais quel genre de fils, quel genre de père serai-je si je l’abandonne ? Si je le laisse mourir seul, sans avoir été là ?

_ Un bon père, tu serais un bon père…

 

C’était l’image d’un homme livide et diminué dans un lit d’hôpital qui hantait le cœur de Rommor.

 

_ Je serai un bon père mon amour, comme j’aurai été un bon fils ; je vais chercher mon père, puis je reviendrai à la maison.

_ Ne fais pas ça, si tu pars nous ne serons peut-être plus là à ton retour.

_ Alors je vous chercherai, j’y passerai ma vie s’il le faut ; mais je dois y aller.

_ Tu es un imbécile, et un salaud… Je t’aime bien plus que tu ne le mérites, je t’aime tellement que parfois ça m’étouffe… Je n’en trouverai pas le sommeil, ça me rongera les entrailles, tu le sais ça ? J’en crève à chaque fois que tu pars nom de nom !

_ Moira…

_ Non, je vais devenir complètement cinglée ; parfois je rêve, d’abord Kal’ten, et maintenant toi ? Qu’est-ce que je vais bien pouvoir dire à Amyel et Deseanna, hein ? Non, désolé les enfants mais papa avait un fusil dans le pantalon, alors il a préféré partir pour un combat perdu d’avance plutôt que vous voir grandir ?!

_ Tu n’auras pas à leur dire ça, je te promets de revenir et je tiens toujours mes promesses, tu le sais.

 

Sa voix n’était pas tellement assurée que ça, et la distance cruelle qui les séparait, ce vide de milliers d’années lumières les empêchait de se toucher, même s’ils s’étaient instinctivement rapprochés de la projection de l’autre.

 

_ Tu n’as jamais manqué à une de tes promesses Trésor ; j’ai tellement envie de te croire, mais c’est de la folie pure et simple, tu le sais.

_ C’est mon père, il a toujours vécu comme ça et j’en ai fait les frais… Mais c’est bientôt fini, j’essaye de m’y préparer depuis des années, en vain.

_ Cet idiot ne comprend même pas combien tu l’aimes, parfois j’ai l’impression que tu l’aimes plus que moi… Ce n’est pas faute de…

_ Oublies ça, j’aime mon père mais il m’a repris la vie qu’il m’avait donnée ; aujourd’hui, c’est toi qui compte, toi et nos enfants… Mais c’est juste, une promesses que je lui ai faite.

 

« Mais je ne vous laisserai pas partir sans un adieu mon père et quand viendra la fin je serai là. J’espère qu’alors que vous ferrez face à ce terrible ennemi que personne ne peut vaincre, vous comprendrez que cette petite main qui serre si fortement la vôtre est celle de votre fils et qu’il vous aura aimé toute sa vie. »

 

Moira se mordit la lèvre, se rappelant les mots de la lettre qu’elle avait remis au père de Rommor.

 

_ Reviens vite… Fais bien attention et reviens nous saint et sauf, tu m’as compris Rommor ?

_ Je te le promets, parole de Cabb.

_ Toi et ta maudite famille…

 

Elle allait dire quelque chose mais son image se brouilla violemment et disparut, les rebelles avaient du détruire un des relais de transmission de l’holonet naval. Il fallait y retourner, c’était une course contre la montre à présent ; mais pour Rommor, c’était une course pour la vie.

 

En trois semaines d’opérations, la petite flotte combinée se renforça ; puis vînt le jour de prendre des chemins divergents, le gros des forces partant sécuriser les bases arrières de l’Empire comme Bastion ou Byss. Klein était à bord du Grey Wolf, discutant avec Rommor sur le pont hangar alors que les navettes continuaient leur va et viens incessant.

 

_ Voilà amiral, j’ai fait transférer tout le personnel de la cinquante septième souhaitant continuer le combat à bord du Grey Wolf, il est à vous. Le capitaine Benquist emmènera le reste de mes vaisseaux sur Chandrila.

_ Alors vous êtes bien sûr, vous ne voulez pas venir avec nous ?

_ Non, vraiment amiral ; je ne peux pas.

_ Je ne vous comprends pas, vous parlez de paix et d’avenir, vous avez une femme et des gosses, mais vous allez tout de même vous fourrer dans ce merdier sans nom.

_ Je vais tenir une vieille promesse.

 

Klein regardait avec une certaine mélancolie le jeune homme dans son armure noire de commando, il ne se faisait pas d’illusion sur ce qu’allait être la bataille de Coruscant, une boucherie en règle.

 

_ Vous ressemblez vraiment à votre vieux Vornsk de père, vous êtes au moins aussi dingue que lui.

_ Je prends ça pour un compliment monsieur.

_ Vous pouvez, bonne chance à vous commodore… Ah, et si je ne vous l’ai pas déjà dit: votre manœuvre à Sepan contre l’amiral Harkov, c’était une connerie sans nom.

 

Rommor allait saluer, mais Klein lui tendit la main.

Créé le mercredi 26 septembre 2007 à 19h50 par Guinch & mis à jour le mercredi 20 mars 2013 à 14h06