Dix huit minutes, trente deux secondes, onze centièmes.
Mille trois cent vingt et un morts, deux mille huit cent douze blessés.
Rask Harkov regarda avec effroi l’homme assis au bout de la table, son uniforme impeccable, sa barbe taillée court, ses gestes empruntés alors qu’il utilisait des couverts de duraminium étincelant, coupant chaque morceau de viande avant de le mastiquer avec application.
Le steward versa un peu plus de vin dans le verre en cristal, l’homme le remercia d’un geste puis leva son regard sur l’ex amiral de la marine impériale.
«Mangez amiral, ne gâchez pas votre dernier souper.»
Dans le silence la haie d’officiers en uniformes, du regard haineux à une simple froideur contenue attendirent, fixant Rask Harkov… Il ne comprenait pas comment cette assemblée de gens brillants pour la plupart avaient pu s’investir dans une telle folie, comment ils pouvaient avoir accepté de souper entourés de débris et de cadavres, certains d’entre eux avaient du se traîner hors de l’infirmerie pour rejoindre la tablée.
Mais le croiseur Glaive n’avait plus d’infirmerie, il méritait à peine la désignation de navire tel que l’affrontement avec le Protecteur l’avait laissé : sa coque littéralement brisée en deux.
Et ces officiers avaient répondu à l’invitation de leur commandant, ils soupaient avec cet homme alors même qu’il avait rempli de cadavres les centaines de sacs jaunes qui encombraient le pont hangar du Glaive.
Rask Harkov regardait les gestes appliqués de cet homme, où cachait-il donc la cruauté et la sauvagerie monstrueuse qui lui avaient permis d’arrêter un destroyer dans un face à face avec son simple croiseur ? Quelque part au fond de ses yeux se cachait la folie qui lui avait fait accomplir ce qu’aucun capitaine de marine spatiale moderne n’avait fait depuis la croisade des Mandaloriens.
L’ex amiral réprima un frisson en essayant d’avaler une gorgée de vin, son teint était quasiment gris ; avec effroi il avait suivi l’assaut direct du Glaive sur son destroyer, il avait imaginé la fin inévitable mais pas envisagé quelqu’un d’assez fou pour provoquer une collision volontaire entre deux bâtiments d’un tel tonnage.
Ce n’était pas le désespoir qui avait poussé le capitaine Cabb à éperonner le Protecteur, c’était une logique froide du rapport de forces existant entre les deux bâtiments et surtout la volonté d’être sûr que, quoi qu’il arrive, le Protecteur n’emmènerai jamais Rask Harkov jusqu’à ses contacts de l’Alliance Rebelle.
Tous les visages autour de Rask Harkov étaient jeunes, ils étaient les plus dangereux chiens de garde du régime, les enfants de l’Empire. N’ayant jamais connu que la guerre, l’acceptant comme la nécessité pour sauver la galaxie d’elle-même. L’ancien amiral avait perdu toute sa superbe, autrefois il s’était enorgueilli n’avoir de tels officiers sous ses ordres, aujourd’hui il se sentait très vieux et triste, il avait peur.
«Il est temps amiral, la navette du seigneur Vador est arrivée.»
Rommor Irius Cabb se leva et emmena fermement la dernière victime de la bataille de Sepan vers sa mort. Cette dernière l’attendait, drapée dans une cape noire comme la nuit.
«Bienvenue amiral Harkov, il y a une affaire dont nous devons nous entretenir.»
Rask Harkov gesticula et supplia pour sa vie, puis rejoint la foule d’hommes et de femmes emballés dans les sacs jaunes du pont-hangar. Appuyant ses mots avec sa puissante et menaçante main gantée de noir, le seigneur sith regagna sa navette.
«l’Empereur est satisfait de vos services capitaine.»
Rommor attendit que la navette ait décollée, puis il se retira dans ses quartiers… Pour pleurer.