Rommor Ep37

C’était une belle journée qui commençait, le soleil levant se réfléchissait sur les cours d’eau entourant Keren, la landspeeder militaire vira et s’engouffra dans l’artère principale.

Le speeder de commandement type Chariot était une véhicule rapide, il s’arrêta en glissant devant les marches du quartier général sectoriel, et le fantassin en faction vint en ouvrir la porte. Un capitaine de vaisseau de la marine descendit, lui rendit son salut puis grimpa énergiquement les marches deux à deux, disparaissant finalement sous l’arche d’entrée.

Le QG vibrait déjà d’activité, le nouvel arrivant nota quelques visages connus, eux ne sauraient jamais qu’ils s’étaient déjà rencontrés alors qu’il portait la cuirasse noire d’Alpha. Finalement, le capitaine déboucha dans l’antichambre du commandant de secteur, il cloua sur son siège l’ordonnance d’un geste de la main, et frappa directement à la porte.

C’était plus un grognement qu’une invitation à entrer, néanmoins le spationaute pénétra dans le bureau, passant sa casquette sous son bras et claquant des talons devant le bureau du commandant du secteur de Chommel.

«Vous voilà enfin capitaine Cabb, vous m’avez fait attendre!»

Le général Horst était un homme visiblement construit dans quelque matériau rigide, la moustache grise et broussailleuse, son architecture faciale était marquée par ses péripéties belliqueuses. Rommor ayant quitté son domicile dix minutes après avoir reçu son message, il estimait donc que le Comanche du secteur aimait mener ses affaires à la vitesse d’un trait de blaster.

«Tout est sur ce bloc de données, débarrassez-moi de cette merde discrètement, il paraît que c’est votre spécialité d’après ce qu’en dit votre père.»

Rommor saisit le datapad dès que Horst le lui désigna , puis il régla les derniers détails.

«J’aurai besoin d’une équipe, puis-je vous fournir une liste de noms et de matériel ? »

Le Comanche acquiesça, Rommor claqua des talons et disparut pour aller étudier les données ; c’était une histoire en apparence banale, un crash de transport sur la planète Rori… Mais le BSI avait devancé sur place les experts de la marine, et ils n’avaient pas trouvé le pilote, la chasse au déserteur avait donc été lancée. Le général Horst devait en savoir plus pour vouloir un coup de main de la part d’un ancien agent des renseignements impériaux, une chance que Rommor ait été en disponibilité pour la marine à son domicile de Kaadara… Sa chance d’obliger un homme influent et au fait des va et viens de l’Empereur dans sa résidence privée de Naboo.

Rommor avait composé rapidement une équipe de personnel de la marine, des gens de confiance, Durnin, Kern,  des survivants de l’opération Minotaure. Avec une équipe de taille réduite, très mobile et composée majoritairement de fusiliers aguerris au combat, il devrait pouvoir faire place nette avant que le BSI ne découvre les petits secrets du général Horst. Sa première étape serait le site du crash sur Rori, et il ne pouvait pas attendre que l’équipe le rejoigne.

La Sirène, un transporteur léger fabriqué par la Corporation Technique Corellienne, vestige de l’ancienne République, gisait brisé dans les marais. Le ciel était bas ce jour là sur Rori, cela avait peut-être joué pour mettre le pilote en difficulté. N’ayant aucun véhicule pour l’escorter sur place, Rommor avait simplement emprunté un motojet de reconnaissance et une armure, au détachement de troupes de choc de la base impériale la plus proche.

Ainsi, Edar Zaän, l’officier menant l’équipe d’enquête du BSI vit un soldat en blanc marcher sur lui ; il s’attendait à ce que celui-ci le salue, mais fut alors saisi par la stupeur alors que le soldat lui arrachait son bloc de données des mains.

«Mais qu’est-ce que vous faites?»

Le soldat des troupes de choc enleva son casque, l’attachant à son baudrier puis désigna l’épave.

«Ceci est la juridiction de la marine impériale, remballez votre matériel en faisant bien attention de ne pas contaminer les preuves, toutes les pièces à conviction, notes préliminaires, enregistrements et prélèvements doivent être laissés sur site pour l’équipe d’experts qui va arriver.»

La procédure, loin d’être réglementaire, froissait surtout l’orgueil de Zaän.

«Et sur quelle autorité?»

Soupirant, l’inconnu saisit son arme de poing et la plaça tout près du visage de son interlocuteur.

«Vous vous doutez bien que si je me permet de vous menacer, c’est parce que je ne serais pas inquiété le moins du monde si vous veniez à disparaître. Alors je pourrai bien vous donner un nom, mais il serait faux, toujours aussi curieux?»

Décidément, cet homme-là ne pouvait pas faire partie des troupes de choc, quand à son mépris hautain… Oui c’était forcément un Ubik. L’Investigateur soupira de dépit, ce n’était pas la première fois qu’il vivait un épisode de la légendaire guerre des services.

«D’accord, vous ne pourriez pas faire les choses de façon civilisée vous autres les espions, hein?»

L’homme fit dodeliner son arme d’un air hésitant.

«J’aurai pu faire une demande en trois exemplaires, mais mon blaster pense que vous auriez pinaillé. Nous sommes pressés, vous avez dix minutes.»

Bien qu’ayant rangé son argument dans son holster, Rommor ne lâcha pas son interlocuteur d’une semelle, il ne voulait pas qu’il fasse passer d’autres consignes que les siennes. Visiblement, les investigateurs du BSI avaient très bien travaillé, et le vaisseau ne laissait pas beaucoup de doutes quand aux raisons de son crash, il y avait eu lutte à l’intérieur, le cadavre de l’agresseur portait un médaillon du soleil noir, la cabale de pirates. Parmi les preuves, des containers d’épices, le pilote manquant avait de très gros problèmes.

«Voilà c’est fait, elle est à vous cette fichue épave!»

Rommor se garda de sourire, bien sûr cet investigateur serait très curieux et surtout frustré à présent, le limier par excellence, qui pourrait servir à faire pression sur Horst par la suite.

«Je vous remercie, et croyez le ou pas, mais on vous tiendra informé.»

l’Epave en elle-même n’avait plus grand chose à dire, de toute façon l’équipe ne serait pas là avant une bonne douzaine d’heures au bas mot, Rommor traîna tous les éléments d’enquête à l’abri sur une butte sèche, les couvrit d’une bâche et d’un filet de camouflage, puis il se mit placer des charges de détonite à l’intérieur de la Sirène. L’Enquête commençait fort, de la démolition et du camping dans les marais…

Dix-huit heures et un craqueur de Restuss passé à tabac plus tard, Rommor avait disposé de quelques informations plus précises ; le pilote, un certain Cal Handro, qu’il avait d’abord suspecté d’arrondir ses fins de mois en passant de l’épice dans son appareil, était en fait tout ce qu’il y a de plus honnête… Mais ce n’était bien sûr pas le cas de ses supérieurs et donc de l’honorable général Horst. L’épice retrouvée dans l’épave de la Sirène n’était pas un produit courant, mais une drogue créée dans le cadre d’un procédé de conditionnement mental. Cette analyse avait coûtée la vie à un médecin indépendant, encore un coup des Blacksuns. Heureusement un chimiste du syndicat Tenloss avait pu fournir à Rommor une piste sérieuse sur des Trandoshans du clan Blackscale, lesquels avaient le siège social de leur petite entreprise de vente d’esclaves à Keren même... Etrange coïncidence que cette proximité avec le quartier général sectoriel impérial.

Tresk était un géant, même parmi les siens, une créature créée pour dominer… En ce moment, dans le luxueux salon de la villa d’où il menait son opération, un petit humain finissait de lui sectionner l’avant bras à la scie. Le sang vert et épais maculait le tapis, malgré tout son courage, l’esclavagiste de Dosh sifflait de douleur sous le regard impassible des soldats impériaux qui avaient envahi la maison.

«Bon, ça ne sert à rien colonel ; il va falloir passer la vitesse supérieure.»

Le lieutenant colonel Kern, des fusiliers de la marine impériale se recula en essuyant la sueur qui coulait de son front, son plastron était maculé de sang, ces trandoshans étaient de sacrés bestiaux. Le capitaine Cabb soupira et sortit un bloc de données qu’il avait trouvé dans les affaires du « suspect », puis il s’approcha de lui en montrant une image sur le dispositif.

«C’est ta couvée ?  Tu vois, moi aussi j’ai une famille, tout ça pour que tu comprennes que je déteste ce que tu me forces à faire, tu comprends?»

Rommor fit approcher le caporal qui avait la radio et lui dicta un télex à faire passer pour l’holonet naval.

«Message pour le détachement des troupes de choc de Kachiro, procédez à l’arrestation des individus présents sur l’image jointe à ce message, les mettre au secret et si aucun contrordre sous deux heures, les exécuter.»

L’officier impérial jette un coup d’œil au Trandoshan, et ce dernier put lire dans son regard qu’il ne reculerait pas.

«Pourquoi est-ce que vous faites ça ? Nous avons payé pour le chargement que le soleil noir a intercepté, C’est votre pilote qui a eu peur, il est parti chez des amis à lui sur Rori…»

Et il parla, Tresk détailla l’arrangement qu’il avait avec le commandant du secteur de Chommel afin d’approvisionner la station Avatar en produits de conditionnement mental, de l’endroit où avait fuit le convoyeur, toute la conversation bien sûr, fut enregistrée soigneusement.

Rommor posa une main amicale sur l’épaule de l’esclavagiste, comme pour lui dire qu’il avait fait le bon choix, puis il  dégaina son arme et lui grilla la cervelle. Le caporal le regarda hésitant.

«Dois-je faire passer le contrordre pour Kachiro, monsieur?»

Le regard incrédule de son capitaine, fit déglutir difficilement le fusilier… Mais il avait mal compris.

«Par ce que vous avez VRAIMENT passé ce message? Libérez les esclaves et mettez le feu à cet endroit, tout le monde pensera que c’était une évasion. Nous partons retrouver le lieutenant Handro sur Rori.»

Neuf kilomètres à l’Est de Restuss, le domaine était coquet, lové au creux d’une montagne ; il faisait nuit et un ost de pirates du soleil noir encerclait la propriété. Trois fusiliers camouflés dans les hauteurs ne les lâchaient pas du regard, leurs macro-jumelles et leurs senseurs de visée rivés sur les hommes en armure… A bonne distance, trois Hovercrafts attendaient, leurs tubes de lance missiles à concussion pivotant dans un léger bruit de servomoteur.

«Cible acquise.»

Le lieutenant colonel Kern eut un sourire carnassier, il avait une haine viscérale des pirates… Sans Rommor Irius Cabb et son mystérieux compagnon, il serait mort entre les mains des corsaires rouges de Kathol, plus d’un an auparavant.

«A toutes les unités, lancez l’assaut.»

Les tubes déchaînèrent les feux de l’enfer sur le jardin de la propriété, les Hovercrafts arrivèrent ensuite rapidement avec leur contingent de soldats pour neutraliser les dernières poches de résistance. Dans une navette Gamma, en orbite, le capitaine Cabb suivait la progression de ses troupes. Les otages furent ravis de voir les forces impériales, et rapidement ils révélèrent ce qu’ils savaient de Cal Handro ; Kern fit son rapport.

«Il a eu peur qu’on l’arrête pour désertion ou pire, il a rejoint les rebelles à Narmle pour qu’ils lui fassent quitter le secteur discrètement.»

Evidemment, il avait découvert la nature de son chargement, sûrement à cause des Blacksuns qui voulaient s’approprier ce prospère petit trafic ; il avait donc toutes les raisons au monde de s’inquiéter, car on allait le faire disparaître. La navette amorça sa descente sur Narmle, Rommor connaissait un rebelle là-bas, une petite ordure a qui il avait vendu des armes alors qu’il était encore sous couverture au Tenloss.
Wolf Kalos était bothan, un soi-disant combattant de la liberté, il donna le plan de vol de Cal Handro et son escorte pour la coquette petite somme de dix mille crédits…

Le reste se termina de façon abrupte dans l’espace, les chasseurs TIE du major Durnin faisant un travail exemplaire. Kidnappé par des terroristes rebelles, le lieutenant Cal Handro, de la marine impériale, ne put être secouru ; il périt dans l’explosion du vaisseau de ses ravisseurs, qui préférèrent se saborder qu’être capturés.

«Ce rapport est extrêmement satisfaisant capitaine Cabb, votre unité a agi avec célérité et efficacité, la mort du lieutenant Handro est une tragédie bien sûr...»

Rommor reniflait un des cigares de la cave du général Horst, assis dans un fauteuil de son bureau de Keren.

«Oui, en effet cette version allégée est mieux que l’originale.»

Une ombre de peur et de colère traversa le visage du général, Rommor la savoura comme l’arôme du cigare encore éteint, ne laissant rien qu’une cruelle insensibilité effleurer la surface du sien.

«Connaissez-vous l’agent spécial Zaän du BSI ? Un fonctionnaire très consciencieux, je suis sûr qu’il trouverait la version originale de mon rapport, absolument passionnante.»

Cette fois-ci l’officier supérieur prit une teinte cramoisie, ses mains serrèrent les accoudoirs de son fauteuil, Rommor lui lança un regard glacial, qui s’avéra suffisant pour le garder au silence.

«Le Lord Protecteur Cabb semble avoir tendance à me sous-estimer quelque peu ces derniers temps. Voyez-vous mon général, j’aime à m’assurer la pleine collaboration de mes collègues, et si ce n’est par loyauté, alors je trouve d’autres moyens. J’aimerai beaucoup que vous me parliez de votre travail, et n’ayez pas peur d’entrer dans le détail, ça doit être passionnant. Tenez, par exemple, parlons du prochain retour de sa majesté sur Coruscant... De son plan de vol.»

Rommor regarda l’homme habitué à commander se voûter, essayer derrière la vitrine ternie de ses yeux de trouver un échappatoire, et finalement abdiquer, vaincu. Le capitaine de marine alluma son cigare et le goûta longtemps, écoutant la voix tremblante du vieil homme ; pensant aux assassins du soleil noir en train de placer la bombe sous le siège de son speeder au moment même.

La mort, elle, ne te fera pas attendre.

Créé le dimanche 3 juin 2007 à 0h44 par Guinch & mis à jour le mercredi 20 mars 2013 à 14h06